Compte-rendu du Bar des Sciences du 27 avril 2010
« Innovations thérapeutiques : attentes et recherche…»
Soirée organisée par : le « Pavillon des Sciences » et animée avec dynamisme par Pascal REMOND.
Lieu - Horaire : Bar de l’Hotel Bristol – 2, Rue Velotte - 25200 MONTBELIARD – ce mardi 27 avril 2010- de 20h00 à 22h15
Participation : environ 50 personnes étaient présentes.
Participant URIS FC : Jean-Pierre BULLIARD (INSA) – Jean-Claude MAYET (Bull) - Aline GRIVEY (EN) – Christian GRIEDLICH (AM) et d’autres non identifiés.
Intervenants :
· Dr Lionel MICHAT Cardiologue, Hôpital la Pitié Salpetrière PARIS.
· Dr Valérian DORMOY Chercheur, INSERM Strasbourg.
· Françoise DECKER Chef de Projet, Cluster des technologies Innovantes de la santé, Belfort.
· Patrick ROBERT Dirigeant, DETEC Belfort ( Robotique du Diagnostique).
· Jérôme LEIBOVITZ Biologiste, Laboratoire analyse médicale.
Contexte de cette soirée :
La médecine de demain …
… c’est déjà aujourd’hui !
Une innovation n’est ni
une invention ni une découverte. Innover c’est mettre
au point des produits plus performants, prêts à être commercialisés dans le but
de fournir au consommateur des services objectivement nouveaux ou améliorés.
L'innovation est aujourd'hui le cœur des politiques économiques de tous les
grands pays.
L'innovation thérapeutique ainsi que la conception de nouveaux
médicaments constituent un vaste champ de recherches qui est
longtemps resté empirique mais qui bénéficie depuis quelques années du
développement fantastique de nouvelles méthodologies et technologies en chimie, pharmacotechnie,
immunologie, biologie moléculaire et cellulaire ainsi qu'en génétique et en
pharmacologie mais aussi en physique, mécanique, électronique, nanotechnologie
…
Cette recherche innovante a permis à l’humanité
de faire un bon considérable dans le domaine des soins. ET ce n’est pas
fini !… L’histoire ne fait que commencer avec la connaissance
du génome humain qui offre un nouveau champ extraordinaire pour le
développement d'approches originales.
De nouvelles sciences
sont donc nées, réunissant des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens
issus de différents domaines et qui à priori, n’avaient rien pour
travailler ensemble. Et c’est de ces équipes où l’on trouve des médecins, des
biologistes, des pharmaciens, des physiciens, des mécaniciens, des
électroniciens, des financiers … que naissent des miracles.
Le Dr Lionnel MICHAT, Cardiologue La Pitié-Salpetrière Paris, a travaillé pendant vingt ans dans le service de chirurgie cardiovasculaire du professeur Cabrol. Il a aussi occupé des postes importants dans l'industrie pharmaceutique : directeur des produits cardiovasculaires chez Sanofi Pharma International, vice-président du marketing stratégique chez Hoffmann-La Roche; directeur chez IBM Europe, directeur chez ARPIDA Suisse, directeur des laboratoires Japonais Yamanouchi ; l'innovation coule dans ses veines. Il est accompagné du Dr Valérian DORMOY de l’ INSERM qui travaille actuellement sur les cancers et maladies du rein.
Déroulement de la soirée :
Innovation thérapeutique, de quoi s’agit-il ?
Pour Valérian DORMOY, l’innovation thérapeutique consiste à découvrir de nouvelles cibles pour les maladies. Il commence par nous parler des recherches faites dans le domaine des insectes : en 1998, un petit groupement de chercheurs et un entomologiste se rencontrent : en prélevant du sang d’insecte injecté ensuite à des souris qui ont une infection bactérienne, on guérit ces souris dans les trois jours qui suivent. Ces chercheurs ont isolé les molécules du sang d’insecte et avec 20 M€, ils ont fait de la recherche à ce niveau. Ils ont eu alors besoin de l’appui des industriels pharmaceutiques qui développent les médicaments. Ceux-ci ont demandé de baisser les coûts de production. Ils ont créé alors la société ANTOMEDE, une « start-up » qui a vendu ses brevets à l’industrie pharmaceutique.
L’investissement en recherche :
Le Dr Lionel MICHAT confirme que dans l’industrie, pour développer une molécule, il faut beaucoup d’argent, de l’ordre de 500 M$ seulement pour l’étude clinique, 1 Milliard d’Euros pour l’industrialisation du médicament. Cet investissement est colossal. Le CEPS (Comité d’Evaluation des Produits de Santé) va définir le prix de revient du médicament, ce qui permet d’évaluer la rentabilité du développement. La cible (clientèle) peut être limitée, d’où un gros calcul de risque. Il faut par ailleurs compter environ 10 ans d’essais cliniques avant de commercialiser réellement ce médicament. Actuellement Bill GATES finance la recherche d’un vaccin sur le paludisme. Pour l’instant rien n’a encore été trouvé d’efficace dans ce domaine. Aux USA, la recherche est privée et les chercheurs ont des primes en fonction des résultats de leurs recherches. En France, recherche publique et privée sont complètement séparées alors qu’il serait si utile de mettre les efforts en commun.
Exemples récents d’innovations thérapeutiques :
Elles concernent les médicaments et les dispositifs médicaux non-invasifs (invasif : Se dit d'une méthode d'exploration médicale ou de soins nécessitant une lésion de l'organisme. En gros, une méthode non-invasive est une méthode sans chirurgie). En 2009, il y a eu 42 solutions thérapeutiques nouvelles (concernant essentiellement la dermatologie, la cancérologie, la pédiatrie). 11 de ces thérapies concernent les enfants (épilepsie, maladies rares, maladie de Crohn : La maladie de Crohn est une affection inflammatoire chronique de cause inconnue qui peut atteindre tous les segments du tube digestif, mais le plus souvent l'iléon, le côlon et l'anus, vaccin contre l’ancéphalite, les cancers des poumons, du colon, les tumeurs intestinales). Les innovations sont classées en deux types : SMR (Service Médical Rendu) et ASMR (Amélioration du Service Médical Rendu), selon un niveau 1, 2, 3 4 ou 5 :
le niveau ASMR1 est une très grande innovation.
ASMR2 est une grande innovation.
ASMR3 st une innovation moyenne.
ASMR4 est une faible innovation.
ASMR5 est une très faible innovation.
Se reporter à la revue « Prescrire » créée dans les années 60 et qui commente et contredit l’industrie médicamenteuse.
Sur 325 dossiers de médicaments présentés, 104 ont été cotés pour évaluation, 46 concernent de nouvelles spécialités, 31 de nouvelles médications, 25 sont des compléments de gamme. Seules 3 ont été classées en Innovation Thérapeutique. 19 ont une balance défavorable (peut être nocif). Une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) ne protège pas assez les patients.
Innovations dans les dispositifs médicaux :
Les innovations thérapeutiques ne concernent pas que les médicaments. Elles touchent aussi les dispositifs médicaux. Un dispositif médical est tout instrument, appareil, matière, produit (sauf ce qui vient de l’humain), y-compris accessoires et logiciels, destinés à être utilisés chez l’homme à des fins médicales et dont la fonction peut être assistée par de tels moyens (sans moyen pharmaçologique). Parfois, on associe dispositifs et médicaments pour faire une thérapie. Exemples de dispositifs médicaux : le défibrillateur, le pacemaker…
Le professeur réfute une réflexion d’une participante qui se plaint du manque d’experts indépendants en matière médicale.
Quelles sont les grandes pistes des nouveaux médicaments ?
- Cancer du poumon : il y a des traitements aujourd’hui, qui n’existaient pas il y a 20 ans.
- Un arrêt cardiaque arrive, maintenant, dans certains cas, à être soigné sans séquelles.
- On a fait de grands pas mais on a conscience qu’il reste encore beaucoup à faire dans tous les domaines.
- Les greffes de cœur, poumon, pancréas, se font maintenant régulièrement mais il reste un problème actuel concernant l’immunologie (risque de rejet). Aujourd’hui, on ne sait pas greffer un nerf, mais on progresse cependant (on arrive à greffer un nerf sur une souris).
- Une conséquence visible de l’innovation thérapeutique est l’augmentation sensible de l’espérance de vie (on gagne actuellement un mois de vie chaque année).
Expérience de Patrick ROBERT en innovation thérapeutique :
Patrick ROBERT dirige la société DETEC installée à Belfort. Cette société a toujours travaillé pour l’industrie nucléaire. Fort de cette expérience, elle a développé pour un médecin de Clermont-Ferrand, une machine préparant les doses d’éléments radioactifs injectables chez un patient (doses de traceurs, qui sont des substances radioactives injectables sur laquelle on fixe une molécule permettant de voir les images de la tumeur au scanner). Ils sont les seuls au monde à réaliser ces machines dont la production, actuellement, atteint 15 machines par an. Patrick confirme que l’innovation vient souvent de deux besoins qui se croisent (ici, le besoin médical et le besoin de développement en machines pour le nucléaire).
Autres innovations thérapeutiques :
- Pour les rayonnements, il y a des pansements que l’on applique avant et après l’exposition aux rayons.
- On place aussi des aiguilles de radium dans les prostates cancéreuses.
- La cryothérapie (congélation forte) est aussi utilisée pour tuer des cellules cancéreuses.
- Les nanotechnologies sont maintenant utilisées (voir compte-rendu spécifique de la conférence sur ce sujet en novembre 2009). Les médicaments nanotechnologiques sont utilisés pour tuer des cellules cancéreuses, localement, sans détruire les cellules saines avoisinantes.
- On fait aussi porter un gène de mucoviscidose sur un virus pour attaquer la maladie.
- Les produits ANTI-VEGF bloquent le développement des vaisseaux dans la tumeur cancéreuse.
- Nota : dans un cancer au cerveau, il existe des tumeurs « primaires » mais aussi des tumeurs « secondaires » provenant de métastases issues d’autres organes, comme le rein.
- De nombreuses innovations se font dans le dépistage précoce des maladies : par exemple, sur la maladie d’Alzheimer, on a trouvé les cellules du cerveau qui se tuaient en premier, désormais on cherche un vaccin pour éviter cette destruction.
Françoise DECKER présente le cluster des technologies innovantes de la santé :
De formation juriste, Françoise a lancé le cluster en 2006. Cluster veut dire « grappe ». Il consiste à mettre en relation (en « grappe ») des industriels, des médecins, des laboratoires pharmaceutiques pour développer des innovations thérapeutiques ; En 2004, elle a répondu à un appel d’offre de la région et de l’Etat pour développer le tissu économique de l’Aire Urbaine, afin que les sous-traitants se diversifient et atteignent de nouveaux marchés. Le cluster essaie donc d’aider les entreprises innovantes à se développer. Ainsi IMUFARMA a trouvé un médicament traitant le lupus (maladie inflammatoire qui touche la peau et les articulations). Parmi les labos utilisant le cluster : le LERM (labo de recherche en matériaux de l’UTBM). Le cluster fait donc communiquer ces laboratoires avec les entreprises, ce qu’elles ne feraient pas de façon naturelle. Ainsi un laboratoire a-t-il mis au point une machine pour détecter le syndrome du canal carpien ; Le cluster va essayer de trouver un industriel pour développer cette machine et la fournir industriellement. Ainsi patients et praticiens fournissent aux clusters une problématique qu’il retransmet à un industriel pour rechercher une solution innovante, faire l’étude de marché, développer, effectuer le service après-vente.
Autres exemples d’innovations thérapeutiques :
Le Dr Lionel MICHAT nous informe que des huiles essentielles permettent aujourd’hui de traiter des maladies nosocomiales sans créer d’autres résistances. Le Docteur travaille actuellement dans ce domaine d’innovation. Il atteste qu’aujourd’hui, il va falloir mobiliser pour travailler ensemble des gens de domaines multiples, des spécialistes de différents domaines pour avoir une approche globale permettant l’innovation thérapeutique. Quelqu’un ajoute qu’on a bien en France tous ces experts, mais qu’on ne sait pas « se vendre ». Françoise DECKER confirme qu’il y a une évolution, un grand progrès. Ainsi l’IRCAD (Institut de Recherche en Cancer de l’Appareil Digestif) a fait des progrès significatifs. On voit ainsi que la technologie n’est pas uniquement d’origine du médecin mais aussi de l’informaticien, du micro- mécanicien. Il en est de même pour les innovations en imagerie médicale (IRM), où la recherche fait encire d’immenses progrès. Jérôme LEIBOVITZ ajoute que des marqueurs sont actuellement développés pour déceler précocement un infarctus. On arrive aussi à automatiser, robotiser la bactériologie, ce qui était impensable auparavant.
Conclusions :
Le Docteur MICHAT conclut en disant que l’Innovation Thérapeutique est un vrai travail d’équipe dans tous les domaines possibles. Valérian DORMOY ajoute que le monde vit actuellement dans l’Innovation Thérapeutique, un peu comme M.JOURDAN, sans s’en rendre compte.
Rédacteur : Jean-Pierre BULLIARD
Président de l’URIS de Franche-Comté
Président des Ingénieurs INSA de Franche-Comté
Pour le compte du Pavillon des Sciences
Programme des prochains « Bar des Sciences » : irlandais
Site Internet du Pavillon des Sciences : www.pavillon-sciences.com.