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UNION REGIONALE DES INGENIEURS

ET DES SCIENTIFIQUES DE FRANCHE-COMTE

 

 

Compte-rendu du Bar des Sciences du 15 décembre 2009

« Les Curie, une saga qui continue ! » 

 

 

Soirée organisée par : le « Pavillon des Sciences » et animée avec dynamisme par Pascal REMOND. en partenariat avec la Communauté d’Agglomération du Pays de Montbéliard.

 

Lieu - Horaire : Bar de l’Hotel Bristol – 2, Rue Velotte - 25200 MONTBELIARD – ce mardi 15 décembre 2009 - de 20h00 à 22h00

 

Participation : très bonne, le bar était archi-plein dans la salle du haut, environ 150 personnes étaient présentes.

 

Participant URIS FC : Jean-Pierre BULLIARD (INSA) – Jo CAVALLIN (AM) – Monique PIERSON – Pierre THOCKLER (AM) – Jean-Claude MAYET (Bull) – Aline GRIVEY (EN) et d’autres non identifiés.

 

Intervenants :

- Hélène LANGEVIN, petite-fille de Pierre et Marie Curie. - Directeur de recherche émérite  CNRS. Physicienne nucléaire. Hélène LANGEVIN aime raconter l'histoire de la physique, la voie pour lutter contre le cancer ouverte par les Curie, les liens entre femmes et science. Présidente de l'Union Rationaliste. 

- Pierre JOLIOT, petit-fils de Pierre et Marie Curie, frère d’Hélène. Biologiste - Ecole Normale Supérieure rue d'Ulm Paris- Président du Conseil Scientifique de l'Ecole Normale Supérieure de Lyon. Professeur honoraire au Collège de France, ancien titulaire de la chaire de bioénergétique cellulaire et membre de l'Académie des Sciences.

- Jean-Pierre CAMILLÉRI - Directeur Honoraire de l'Institut CURIE.

- Renaud HUYNH - Directeur du Musée Pierre et Marie CURIE.

 

Contexte de cette soirée :

Les CURIE sont  originaires de Montbéliard et de "Grand et Petit Charmont" depuis 1646. Ils ont marqué de façon indélébile la science, la technique, l'innovation et ont révolutionné la pensée scientifique.

Trois générations de Savants, et pas des moindres, qui collectionnent les médailles, les Nobel de physique, chimie ou médecine et une reconnaissance internationale et pérenne de la communauté scientifique.

En 100 ans, l'Institut Curie a su développer et adapter de nombreuses stratégies thérapeutiques pour toujours rester à la pointe de la recherche scientifique et médicale. Il a réussi cela sans perdre de vue ses origines et son objectif initial de lutte contre le cancer pour la guérison et l'amélioration des conditions de vie des malades.

La saga continue aujourd'hui avec Pierre Joliot et Hélène Langevin, petits enfants de Pierre et Marie Curie et enfants de Frédéric et Irène Joliot-Curie.

Le Pays de Montbéliard a été fier d'accueillir ces invités prestigieux qui rencontreront demain (16 décembre 2009) 300 jeunes au lycée Viette de Montbéliard.

 

Rappel généalogique sur la famille CURIE :

Pierre Curie (15 mai 1859 à Paris - 19 avril 1906 à Paris) est un physicien autodidacte français. Il est principalement connu pour ses travaux en radioactivité, en magnétisme et en piézoélectricité. Lui et son épouse, Marie Curie, pionniers de l'étude des radiations, reçurent le prix Nobel de physique en 1903, avec Henri Becquerel.

Marie Curie, née Maria Skłodowska le 7 novembre 1867 à Varsovie en Pologne, et morte le 4 juillet 1934 à Sancellemoz en France, est une physicienne polonaise naturalisée française. Elle obtient en 1903 le prix Nobel de physique avec son mari Pierre Curie et Henri Becquerel, pour ses travaux sur la radioactivité. En 1911, elle obtient son second Prix Nobel, cette fois-ci en chimie, pour ses travaux sur le polonium et le radium. Elle est la seule femme à avoir reçu deux prix Nobel[]. Elle est également la première femme lauréate en 1903, avec son mari, de la Médaille Davy pour ses travaux sur le radium[].

Irène JOLIOT-CURIE (1897-1956), fille de Pierre et Marie CURIE Irène Curie est née le 12 septembre 1897 à Paris. Fille des physiciens Marie et Pierre Curie, elle fit ses études à la Faculté des sciences de Paris et, à partir de 1918, elle fut l'assistante de sa mère à l'Institut du Radium à Paris. Frédéric Joliot, né le 19 mars 1900 à Paris, fit ses études à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles et à la Faculté des sciences de Paris. Assistant lui aussi à l'Institut du Radium, il rencontra Irène Curie, avec qui il se maria en 1926. Ils travaillèrent ensuite ensemble, constituant la fameuse équipe Joliot-Curie, et se spécialisèrent en physique nucléaire. En 1934, ils découvrirent la radioactivité artificielle. En bombardant avec des particules alpha des atomes de bore, d'aluminium et de magnésium, ils obtinrent des isotopes de l'azote, du phosphore, du silicium et de l'aluminium, qui se désintégraient en émettant des électrons positifs ou négatifs. C'est pour cette découverte qu'ils reçurent le prix Nobel de chimie en 1935.
En 1937, Irène Joliot-Curie devint professeur à la Faculté des sciences de Paris, puis directrice de l'Institut du radium en 1946. Elle avait été nommée sous-secrétaire d'État à la Recherche scientifique en 1936. Elle participa à la création du Commissariat à l'énergie atomique en 1946. Elle y occupa la fonction de commissaire pendant six ans. En 1939, elle reçut le titre honorifique d'officier de la Légion d'honneur et de nombreuses autres décorations pour ses contributions à la physique nucléaire. Elle mourut en mars 1956, victime d'une leucémie provoquée par une surexposition aux rayonnements radioactifs.

Jean Frédéric Joliot, dit Frédéric Joliot-Curie, est un physicien et chimiste français, né à Paris le 19 mars 1900 et mort à Paris le 14 août 1958. Il a obtenu le prix Nobel de chimie en 1935 avec son épouse Irène Joliot-Curie.

Denise-Ève Curie, née le 6 décembre 1904 à Paris, décédée le 22 octobre 2007 (à 102 ans) à New York (États-Unis), est une pianiste, femme de lettres, journaliste, conférencière et diplomate française.

 
Généalogie de la famille Curie et position de nos conférenciers dans cette généalogie :
 
Paul François Curie (1799-1853), médecin humaniste
x Augustine Hofer, fille de Jean Hofer, industriel
└─o Eugène Curie (1827-1910), médecin
    x Sophie-Claire Depouilly (1832-1897)
    │
    ├─o Jacques Curie (1856-1941), physicien
    │   x ?
    │   │
    │   └─o ?
    │     │
    │     └─o Paul Curie (1943-), physicien
    │
    └─o Pierre Curie (1859-1906), physicien, prix Nobel en 1903
        x Marie Skłodowska-Curie (1867-1934), physicienne, chimiste, prix Nobel en 1903 et en 1911
        │
        ├─o Irène Joliot-Curie (1897-1956), physicienne, prix Nobel en 1935
        │   x Frédéric Joliot-Curie (1900-1958), physicien, prix Nobel en 1935
        │   │
        │   ├─o Pierre Joliot-Curie (1932-), biologiste (notre conférencier)
        │   │
        │   └─o Hélène Langevin-Joliot (1927-), physicienne nucléaire (notre conférencière)
        │       x Michel Langevin (1926-1985), physicien, petit-fils de Paul Langevin,
                │             │                              fils d'Hélène Langevin et de Jacques Solomon
        │       │
        │       └─o Yves Langevin, astro-physicien
        │ 
        └─o Ève Curie (1904-2007), écrivain
            x Henry Labouisse (1904-1987), diplomate américain, prix Nobel de la Paix en 1965

 

Pascal REMOND fait état de sa recherche sur la généalogie des Curie : il indique que le père de Pierre CURIE (Eugène) était médecin alors que les parents de Marie CURIE (en Pologne) étaient issus du milieu d’enseignant (son père était professeur au lycée de Varsovie, sa mère tenait un pensionnat d’enseignement de jeunes filles). La sœur de Marie CURIE aida Marie à faire ses études en France. Marie y travaille d’abord comme gouvernante de familles pour gagner de l’argent. Le grand-père (Paul-François) et l’arrière grand-père de Pierre CURIE sont médecins à Paris. Le père de Pierre (Paul CURIE) est médecin à Mulhouse. Il est un grand promoteur de l’homéopathie, persuadé que c’est la science adéquate pour soigner les pauvres. Paul part, quitte sa famille pour étudier l’homéopathie en Angleterre. Paul naquit à Vieux-Charmont (25) le 16 novembre 1799. Il décèdera à Londres en 1853. Le père de Paul, Pierre-Etienne CURIE est né à Montbéliard et mort à Vieux-Charmont. Son père s’appelait aussi Pierre-Etienne, il était boulanger à Montbéliard (né en 1707, décédé en 1743 à l’âge de 36 ans). Son père s’appelait encore Pierre-Etienne CURIE, il naquit le 4 décembre 1682 à Montbéliard. Pascal REMOND indique qu’il n’y a pas de trace connue des CURIE avant cette date.

L'Institut Curie est une fondation, dont les activités principales sont d'une part la compréhension des mécanismes de cancérogenèse avec un centre de recherche en biophysique, biologie cellulaire et oncologie et d'autre part le traitement des cancers avec l'hôpital Claudius Regaud.
L'institut Curie est aussi en charge du Centre de protonthérapie situé à Orsay. "Prendre le cancer de vitesse", telle est la devise de l'Institut Curie. Cet institut est installé sur 2 sites : l'Hôpital et les 3/4 du Centre de Recherche sont rue d'Ulm dans le 5e arrondissement de Paris alors que le Centre de protonthérapie et 1/4 du Centre de Recherche sont à Orsay sur le campus universitaire.

Le musée Curie est situé au cœur du 5e arrondissement de Paris, à deux pas du Panthéon de Paris où reposent Pierre et Marie Curie depuis 1995. Constitué d’un espace d’exposition permanente et d’un centre d’archives, il propose au public de découvrir l’histoire de la radioactivité et de ses premières applications médicales. Ce musée s’impose comme un lieu de mémoire et un musée d’histoire des sciences.

Pierre JOLIOT prend la parole : il a 77 ans et est descendant de cette famille célèbre comptant 3 prix Nobel.  Pierre est un peu énervé quand on emploie le terme de « dynastie » pour caractériser sa famille. Il est vrai que lui et sa sœur Hélène LANGEVIN sont des enfants qui ont eu tendance à faire comme leurs parents (biologiste et physicienne) mais il trouve qu’ainsi on contribue à une société bloquée. Pierre est un biophysicien qui s’intéresse à la photosynthèse des plantes. Son père était créateur de sciences lourdes. Pierre regrette les expériences faites sur les tables en bois. Comme son père et sa mère (Frédéric et Irène JOLIOT-CURIE), Pierre prend plaisir à ce qu’il fait et, depuis sa retraite prise à 71 ans, il se considère comme un vrai chercheur à temps plein. Pour lui, les jeunes chercheurs de notre époque, sont de moins en moins libres car soumis à trop de contraintes (financières et administratives).

Hélène LANGEVIN poursuit la discussion : elle a 82 ans et, contrairement à Pierre, n’est pas convaincue que la recherche en physique a changé à notre époque. Elle a fait de la recherche en physique nucléaire entre 1948 et 2003. Elle est maintenant interdite de recherche dans ce domaine à cause des règles de sécurité concernant la radioactivité. Elle a commencé à faire des expériences sur un coin de table, tributaire de nombreuses expériences à préparer à l’avance. Elle est aussi affolée de l’alourdissement administratif pénalisant la recherche. Elle a fait du travail très collectif et très contraignant (mettant en œuvre l’aspect « projet ») mais avec moins de réactivité que celle connue par ses parents.

Jean-Pierre CAMILLÉRI intervient alors : il se sent modeste auprès des Curie. Il est médecin avant tout et enseignant-chercheur. Il a toujours cherché à faire le lien entre la médecine soignante et la médecine scientifique qui applique des règles et cherche des preuves d’efficacité. Il y a un grand écart à faire entre le soin et la science et cela est difficile pour de nombreux médecins. La relation individuelle entre le médecin et le malade joue dans un sens, la relation collective joue dans un autre sens. Jean-Pierre a formé des médecins. Il est arrivé par hasard Directeur de l’Institut Curie où il retrouva l’héritage des célèbres Curie dans le domaine de la cancérologie. Sa structure ne ressemble à aucun hôpital, elle fonctionne de façon intégrée, elle promeut la recherche opérationnelle, elle réalise un décloisonnement entre médecins et chercheurs. Il fut Directeur de cet Institut pendant 13 ans. Actuellement retraité, il pense que la médecine évolue très vite et que l’on perd vite par rapport à l’actualité. Son Institut est un centre pour l’information au grand public. Il a écrit quelques livres dont l’un a eu le prix de l’’information scientifique de l’Académie des sciences : « Histoire de la naissance de la radiothérapie », science née à l’Institut Curie en 1930 avec Marie CURIE et un biologiste, Claudius REGAUD, pour traiter la maladie cancéreuse. Jean-Pierre est soucieux de la recherche fondamentale, de l’expérimentation scientifique, de la mesure, du contrôle et de l’évaluation. Il rappelle le rôle important joué entre la recherche et le médecin par l’ancien Directeur de l’Institut Pasteur, Emile ROUX, qui a permis la construction de cet institut. A l’Institut Curie, Jean-Pierre a été responsable de 1500 personnes. Il regarde les maladies au travers du microscope et observe les réactions cellulaires dues au cancer.

Renaud HUYNH souligne : les Curie ne sont pas encore au Musée Grévin. Le Musée Pierre et Marie Curie qu’il dirige montre des collections pour perpétuer la mémoire des deux savants. Ce musée est situé dans le 5ème arrondissement de Paris, rue Pierre et Marie Curie, près du Panthéon, dans le bâtiment le plus ancien de l’Institut du Radium.

Hélène LANGEVIN continue la discussion : elle parle de son grand-père, Pierre CURIE, issu d’une famille du sud-ouest français qui remonta vers la Suisse suite à la persécution des protestants. Montbéliard a été un grand lieu de débarquement pour la famille d’Hélène, une famille de résistants (Paul LANGEVIN est le grand-père du mari d’Hélène). Ils débarquent chez Marcel SCHWANDLER, un petit industriel du bois qui créa un jeu de toupies extraordinaire. Hélène débarque donc à Montbéliard, attendant le moment de passer son baccalauréat, mais elle ne restera pas à Montbéliard sous les bombardements, elle ira passer son bac à l’Isle sur le Doubs puis repartira du Russey le 6 juin 1944 pour passer la frontière suisse (en face de Porrentruy). Au baccalauréat, Hélène fut 1ère de toute l’académie de Montbéliard (alors que Pierre souligne avoir été le premier du dernier quart de la classe). Hélène pratique encore le ski, elle réussit le chamois de bronze, elle était bonne partout, même en sport. Pierre a été soumis à de fortes pressions de ses parents pour être un élève brillant. Il cherche si le jeu de la toupie, fabriqué par cet industriel célèbre, existe encore (cette toupie se promène dans un labyrinthe et doit atteindre le dernier compartiment). Hélène et Pierre ont été enfermés dans une cellule remplie de paille mais Hélène y avait apporté ses livres de physique, ce qui atténua sa captivité. Pierre, lui, n’était pas content d’être enfermé, il a réussi à faire une sortie entre deux soldats suisses armés de baïonnettes. Pierre reparle de sa tante Eve CURIE (une femme écrivain), non-scientifique mais qui fit beaucoup pour la science en écrivant en 1937 le livre « Madame Curie » demandé par un éditeur américain, publié à New-York avant de l’être chez Gallimard. Ce livre a contribué largement à attirer les jeunes filles vers la science, il a encore un impact important de nos jours dans ce domaine. Pierre regrette que l’Académie des Sciences n’ait pas élu les deux prix Nobel (sa mère et sa grand-mère) après la guerre, simplement parce qu’elles étaient femmes. On retrouve aussi des souvenirs d’Eve au Musée Curie. Parmi les innombrables biographies de Marie CURIE, celle écrite par Eve se retrouve aujourd’hui traduite en plus de 40 langues.

Pierre JOLIOT poursuit ses souvenirs familiaux : dans sa famille, les vacances étaient importantes et servaient à s’évader de ce métier si prenant. Hélène confirme que les vacances ont été prises pendant toute la vie de ses parents. A l’époque de Pierre et Marie, les vacances sont prises par ceux qui en ont les moyens (c’est le début du chemin de fer). Les vacances sont des occasions mondaines, avec un temps passé prenant toute son importance. Hélène note que la recherche est la seule profession où les vacances ont diminué : il y en avait plus du temps de Pierre et Marie qu’aujourd’hui. Ce courant, pour tout ce milieu, succéda à l’affaire Dreyfus. Une photo de 1936 montre la fête souhaitée au plus âgé, sur la terrasse du savant Jean PERRIN, avec des pancartes de manifestations (déjà !) du Front Populaire indiquant « le vent d’est, au poteau ! ». Pierre part fin de cette semaine faire du ski avec ses petits-fils. Pierre CURIE est mort 50 ans avant la maman de Pierre JOLIOT. Marie CURIE est morte en 1934 alors que Pierre JOLIOT n’avait que 2 ans. Il n’a donc pas connu sa célèbre grand-mère. Pierre raconte une anecdote concernant son père (Frédéric JOLIOT-CURIE). Celui-ci a eu réellement du mal à s’introduire dans le milieu particulier des Curie. Quand il vit pour la première fois sa future femme (Irène), il s’écria : « la fille de la patronne est odieuse ! ». Marie CURIE a été réellement méfiante envers Frédéric, le père de Pierre car Frédéric était très bavard, Irène devait « demander la parole » pour pouvoir placer un mot. L’entrée de Frédéric dans ce milieu n’a donc pas été facile, il était regardé comme une « pièce rapportée ». Mais tout bascula le jour où Frédéric passa sa thèse en physique : cet évènement fit basculer le sentiment méfiant que lui portaient Pierre et Marie CURIE.

Hélène LANGEVIN évoque également ses souvenirs familiaux : elle a travaillé deux mois avec sa célèbre maman Irène : dans un sous-sol alors qu’elle était enceinte. Elle chercha à mettre au point la détection des rayons alpha par des plaques photographiques épaisses.

Hélène répond aux questions sur le créationnisme et le sommet de Copenhague : elle recentre le débat et indique que, dans la tradition Curie, il y a une conception de la recherche de connaissances qui ne se préoccupe pas du résultat, des conséquences et des applications possibles. On laisse ainsi les chercheurs libres avec leurs connaissances (ce sont ceux qui exploiteront leurs découvertes qui décideront d’en faire des applications pour le bien ou le malheur de l’humanité, témoin la lutte contre le cancer et la bombe atomique). L’idée développée est que la connaissance est un bien commun pour toute l’humanité. Ensuite, on doit se servir de cette connaissance pour servir réellement l’humanité. Cela a été explicité par sa maman Irène JOLIOT-CURIE dans une causerie pour les jeunes en 1938 où elle parlait de ce patrimoine commun de l’humanité, du plaisir de la découverte, de la recherche tournée vers le bien-être de l’humanité. Cette tradition est partagée aujourd’hui. A l’époque de Pierre et Marie CURIE, on pensait que les progrès de la science résoudraient toujours les problèmes de l’humanité, y-compris la question sociale ; Et en 1930 la science a fabriqué les gaz de combat, on a alors attaqué la science, on a même parlé de la « faillite » de la science, la science a été déviée de sa route par les forces de régression sociale et d’égoïsme national (1933). Marie CURIE mourra en 1934. Le milieu universitaire réagit : ce n’est pas réellement un débat démocratique. De nouveau aujourd’hui on parle de la science comme créant des problèmes nouveaux (avec des impacts néfastes sur l’écologie, voir aussi tout le débat sur l’énergie nucléaire, les allemands, grands défenseurs officiels de l’écologie face aux centrales nucléaires, n‘hésitent pas à construire en ce moment une centrale thermique au charbon qui va dégager une très grande quantité de gaz carbonique !!!).

Pierre continue le débat sur la science : il indique la tradition en vogue chez les scientifiques : c’est d’être convaincus que la recherche fondamentale est à l’origine de toute avancée scientifique. La découverte par ses parents de la radioactivité artificielle montre une expérience faite dans le but de faire progresser la connaissance. Ce n’est qu’après cette découverte qu’on a vu que les conséquences biologiques allaient être immenses (ainsi les traceurs biologiques sont des marqueurs permettant de suivre une molécule au travers de tout le corps humain). Quand une découverte est réalisée, il faut penser à ce qu’on peut en faire. Toute découverte peut avoir des conséquences positives et négatives (voir l’arme et le traitement du cancer). La décision de l’utilisation des progrès de la science doit être dans les mains du citoyen. Ce ne sont pas seulement les savants qui doivent participer  la prise de décision. La formation et l’éducation scientifique des citoyens doivent faire partie de la culture générale indispensable. Le développement du créationnisme témoigne du manque de culture scientifique. Le créationnisme est une doctrine religieuse fondée sur la croyance selon laquelle la Terre, et par extension l'Univers, ont été créés par Dieu, selon des modalités conformes à une lecture littérale de la Bible. Apparue en opposition à la théorie de l'évolution adoptée par la communauté scientifique, le débat entre les deux positions est souvent polémique et relève d'enjeux politiques importants : enseignement, liberté d'opinion et de croyances, etc. Aux USA, c’est sous l’influence de groupes religieux puissants que s’est développé ce courant de créationnisme. Il existe un obstacle important quand un professeur parle à ses élèves de la théorie de l’évolution. Quelquefois les arabo-musulmans quittent la salle, ne voulant pas entendre parler de cela. Le créationnisme est un déni de science. Dans un autre domaine, les adjectifs « naturels » et « chimiques » sont considérés par l’homme de la rue comme contradictoires. L’école a introduit ces  notions de « chimique » et de « naturel » en 1992. Certaines personnes en arrivent à ne pas faire de recette contenant de la « levure chimique ». Une telle ineptie est encore due à un manque de culture scientifique. Dans le même domaine de la bêtise, une molécule extraite d’une plante est considérée différemment si elle a été synthétisée en laboratoire. Mais, hélas, ce genre de conceptions touche aussi les milieux des chercheurs qui donnent ainsi un mauvais exemple aux profanes !

Jean-Pierre confirme qu’une autre étape est franchie actuellement : la science est ressentie d’abord comme un danger (on se méfie de ce qu’on ne comprend pas) pas comme un progrès, on arrive à sacraliser certaines choses. Ainsi le terme « naturel » est-il sacralisé, il appartient désormais au domaine de la croyance. 

Pierre continue ses explications sur la science : il indique ce qui est nouveau dans le combat rationaliste : autrefois, on était contre une vision inspirée par la religion alors que de nos jours, dans les mouvements écologiques, se glissent des notions d’irrationalisme. Les OGM, le nucléaire sont des concepts dits « mauvais ». Il faut alors réintroduire une notion plus rationnelle. On a déjà parlé de l’Allemagne, à la pointe du combat écologique, qui construit en ce moment une centrale thermique au charbon, grande pourvoyeur de rejets de gaz carbonique et de dioxyde d’azote. Des athées développent des notions irrationnelles par rapport à la science. De même des croyants développent des notions rationnelles par rapport à la science. Jean-Pierre dénonce le « green-washing » qui peint la communication tout de vert, tout n’est qu’écologie : un constructeur automobile sort ainsi le 4X4 vert !

Hélène confirme que la montée de l’irrationalisme vient de toute part y compris des milieux scientifiques. Cela nous interroge sur les conséquences de ce qu’est un certain relativisme scientifique. A l’université française, on explique qu’il n’y a pas de vérité scientifique mais qu’il n’y a que des intérêts d’une société « A » ou d’une société «B ». Il n’y a ainsi plus d’étalonnages de faits scientifiques bien établis. On remet tout en cause, on n’a pas le droit d’en conclure que de tels résultats sont prouvés scientifiquement. Exemple, les climato-sceptiques sur le réchauffement de la planète. Il y a là une incapacité à comprendre la différence induite par les niveaux d’erreurs (incertitudes) de faits scientifiques et les choses non prouvées. Le plus mauvais est d’observer une corrélation entre deux évènements et d’en conclure que l’un est la cause de l’autre. Les médias contribuent à cette ignorance collective car ils ne savent dire que « noir » ou « blanc », sans nuance. Témoin ce bon mot de Pierre DAC : « la plupart des gens meurent couchés, il faut donc rester debout ! ». Il ne suffit pas de connaître la dernière découverte pour faire progresser la compréhension des méthodes scientifiques.

François, professeur au lycée Viette intervient : il s’interroge sur les difficultés à appréhender la science à l’école, quelles sont les bonnes questions à poser à ses élèves ? Il est frappé par la diffusion de la culture scientifique par les parents de Pierre et Hélène et leurs grands-parents. Marie CURIE a introduit des Travaux Pratiques de physique pour les filles étudiantes (qui n’y avaient pas accès jusque là). Il confirme qu’on entend tout et son contraire sur la vaccination contre la grippe A H1-N1. Toutes les bêtises sont relayées par les radios, développant la psychose.

Pierre confirme que la diffusion de la culture scientifique est facile à dire mais difficile à faire. Il faudrait aussi diffuser la culture du bon sens (peu partagé à notre époque, y-compris par les politiques de tout bord). Même entre scientifiques, on est tellement spécialisés qu’on n’arrive plus à se parler. Il existe un vrai problème de communication scientifique.

Hélène renchérit : pour une bonne diffusion de cette culture scientifique, il faut des repères, sinon le bon sens n’existe pas. Ce qui est compliqué à comprendre pour les politiques, c’est l’incertitude. Exemple : le réchauffement climatique va se produire inéluctablement, donner cette affirmation est antiscientifique car il y a une fourchette dans les prédictions réalisées il y a une quinzaine d’années. Contrairement au pari de Pascal, la partie haute de la fourchette ne peut se traiter comme la partie basse. De toute façon, il est certain que 9 milliards d’individus sur terre vont consommer de l’énergie et seront frappés par la limitation des matières premières, de l’eau… Les scientifiques qui ne donnent que des certitudes mentent, ils ne peuvent en réalité ne donner que des probabilités et des fourchettes.

Une question est posée sur les prises de position scientifiques de Claude ALLEGRE : Pierre répond que pour être célèbre, il suffit de dire le contraire de tout le monde, c’est ce que fait Claude ALLEGRE. Sa position sur le réchauffement de la planète est proprement scandaleuse.

Lors de la découverte du SIDA, il y avait au début deux positions contraires : ceux qui n’y voyaient aucun danger et ceux qui disaient qu’on va tous en mourir. On voit où on en est actuellement !

Pierre continue : pour bien informer, il faut que les scientifiques s’expriment différemment que dans leurs laboratoires quand ils s’adressent aux médias et aux politiques, dans ce cas les scientifiques n’ont pas le droit de transgresser (transgression qu’ils font tous les jours dans leurs laboratoires). L’attitude passionnée, partisane, contre le dogme dominant dans leur laboratoire doit faire l’objet d’une attention, de précautions lorsqu’ils s’expriment devant la presse. Claude ALLEGRE est le prototype de ce genre d’excès.

Hélène poursuit : un scientifique qui n’est pas d’accord et est minoritaire par rapport à un groupe de scientifiques doit s’astreindre à travailler à démontrer que les autres ont tort. Les politiques disent qu’il faut que les citoyens s’agitent (voir les ONG à Copenhague qui font du « dogme » !). Actuellement il y a un vrai tic : dès que Copenhague apparaît, on nous montre des éoliennes. Sachons faire la part des choses, articulons le débat scientifique et démocratique sans mélanger les genres. Autre exemple : le problème des radiofréquences et des antennes-relais : les analyses scientifiques n’ont fourni aucun élément positif pour montrer qu’il y a des effets néfastes à court terme. Acte n° 2 : les puissances des radiofréquences augmentent : ce sont deux zones de référence différentes. Les assurances ne marchent pas et les ONG en concluent que les antennes sont néfastes (elles le sont certes vis-à-vis des assurances pas vis-à-vis de la science). On répercute donc de façon ridicule la réflexion sociale pour juger et négocier des faits scientifiques ! Les faits scientifiques ne sont pas négociables. Mais les conditions d’application, elles, sont négociables. Copenhague n’est pas un débat démocratique, cela relève d’une politique d’état. Pierre renchérit en disant qu’il y a un consensus au niveau des politiques sur le réchauffement climatique et la conviction que rien ne sera fait dans ce domaine ; car les solutions supposent des changements économiques et politiques importants, donc rien ne sera fait.

La vulgarisation scientifique est-elle possible selon Pierre ? Quelqu’un a dit : « tout ce qui est simple est faux, tout ce qui est compliqué est inutilisable ! ». La vulgarisation scientifique est en effet difficile à réaliser. On ne peut pas diffuser facilement la culture scientifique mais il faut diffuser une culture scientifique de bon sens. Il faut apprendre le raisonnement scientifique qui s’appuie sur le bon sens. Certaines souches, des embryons… sont des enjeux pour lesquels il faut une démarche scientifique d’analyse et pas seulement émotionnelle. Aujourd’hui, on manipule les faits, on part de la réponse et l’on développe selon le sens que l’on veut lui donner. Cela n‘a rien de scientifique. A la conférence de l’Académie des Sciences, les chiffres donnés par Claude ALLEGRE sur le rayonnement solaire étaient intentionnellement multipliés par 10. Ceci dit, prendre en compte les évolutions du soleil est une démarche scientifique également importante. En cinquante ans, la concentration en gaz carbonique a augmenté plus que pendant un million d’années. L’écart est égal à toutes ces fluctuations. Que le problème d’effet de serre puisse être important est une question de bon sens. Mais les facteurs dus à l’activité humaine sont aussi importants : la démographie diminue si on éduque les femmes de certains pays. Le véritable coupable est donc la médecine qui va permettre d’avoir, grâce à ses progrès, 9 milliards d’humains ! En France, pays où le travail de la femme est le plus développé, la natalité est la plus forte et en croissance (par rapport aux autres pays européens). Dans la vulgarisation scientifique, il ne faut pas confondre irradiation et contamination. Je préfère manger des pommes de terre irradiées que contaminées. Rappelons aux enfants qu’il y a 10000 becquerel de désintégrations radioactives naturelles dans notre corps. Pour Pierre cette unité (le becquerel) est une catastrophe car elle accentue l’image néfaste de la radioactivité. Alors que l’autre unité autrefois utilisée (le millicurie) avait un effet moins fort.

Jean-Pierre rappelle le principe de précaution : les pays développés ont été soumis à de grandes crises dans les années 1980 (amiante, vache folle). En 1990, il a donc fallu adopter ce principe de précaution inscrit dans la constitution ayant 4 développements parmi lesquels : un principe d’action dans une situation d’incertitude scientifique, des dommages importants et irréversibles, une réponse donnée proportionnelle à cela. La jurisprudence apparue est telle que le promoteur d’une nouvelle technologie doit démontrer l’innocuité totale de son invention (cela est impossible scientifiquement et cela n’aurait pas permis à l’époque de Pierre et Marie CURIE les découvertes sur la radioactivité, si importantes pour soigner aujourd’hui). Ce qui a pollué les choses dans ce principe est qu’on a confondu principe de précaution et prévention (celle-ci étant liée à un risque avéré). Le risque de l’amiante était connu depuis un siècle, il fallait donc accomplir la prévention nécessaire et cela n’est pas du domaine du principe de précaution. Dans l’incendie du collège Pailleron, l’amiante a sauvé des vies. Vouloir détruire à tout prix des immeubles entiers pour les désiamanter est débile, on va ainsi créer plus de problèmes qu’on ne va en résoudre. On aurait pu se poser le problème : faut-il mieux se protéger de l’amiante que l’interdire ?

Pierre continue le débat sur la vaccination : le risque lié à la grippe A-H1 N1 est complètement avéré avec des conséquences pulmonaires graves. On ne sait pas l’ampleur de cette pandémie, ni quand elle va s’arrêter. Par rapport au risque (une chance sur 1000 de mourir si on est atteint), le seul moyen d’éviter la maladie est la vaccination qui présente un risque mille fois plus faible (une chance sur un million d’avoir un risque de mourir lié à la vaccination). On prend les chiffres qui ne sont que des estimations de probabilités pour des chiffres réels. Par exemple, les morts liés à Tchernobyl, il y en a eu réellement quelques centaines alors que les probabilités annonçaient des centaines de milliers. Le problème fondamental pour sortir des crises est de sortir de l’intérêt de gain de l’argent à court terme, pas à long terme. La dictature de l’argent est néfaste. Dans le développement de hautes technologies, il faut remplacer le principe de précaution par le principe de risque. Face au réchauffement climatique, ne pas prendre de risque est la certitude d’aller à la catastrophe. Hélène ajoute que les gens ont le sentiment d’être embarqués dans : « il faut faire cela pour rattraper notre retard sur le pays d’à côté car il faut être devant le autres ! ». Que veut dire en fait « être en retard » ?

Jean-Pierre n’a pas d’inquiétude sur le vaccin. Les seules inquiétudes sont les mutations possibles du virus, mutations non prévisibles. L’adjuvant ne pose pas de problème car on connait bien ses effets. Mais, c’est vrai qu’un médecin, scientifique, ne pourra jamais parler de « risque zéro » mais de probabilités.

Conclusions : la venue de ces savants, fils et petits-fils de savant, est un véritable cadeau de Noël pour l’Aire Urbaine et la ville de Montbéliard ! Pierre et Hélène nous ont montré des scientifiques simples, remplis de bon sens, accessibles. Jean-Pierre remercie le Pavillon des Sciences pour l’organisation de cette soirée montrant que la culture scientifique, culture du bon sens, n’est pas morte parmi la population. Pierre souligne que ce genre de réunion est positif car pleine de dialogues, sans blocages. L’attitude irrationnelle favorise, au contraire, les blocages. Cette réunion contribue à la diffusion de la culture scientifique. Hélène pense que dans le travail contre l’irrationalisme il faut faire dominer l’émotion naturelle (chez la femme en particulier et elle en parle en connaissance de cause !) et la remplacer par la raison. La plupart des émissions ahurissantes sur ce sujet, à la télévision, sont conduites par des femmes !

 

 

Rédacteur : Jean-Pierre BULLIARD

Président de l’URIS de Franche-Comté

Président des Ingénieurs INSA de Franche-Comté

Pour le compte du Pavillon des Sciences

 

 

 

Programme des prochains « Bar des Sciences » : irlandais

-         Mardi 26 janvier 2010 : Bar des sciences de l’Hôtel Bristol Montbéliard (20h00) : « le RAID, son histoire, ses secrets et ses armes » avec le Commissaire Amaury de HAUTECLOQUE, "Patron" du RAID et  petit-fils du maréchal LECLERC.

-         1 Bar des sciences est prévu à l'Ecole Nationale de Police.

-         1 Bar des sciences est prévu au Centre de Formation du FC SOCHAUX

-         1 Bar des sciences est prévu pour le Conseil du Développement.

-         3 Bars des sciences sont prévus pour différents clubs et associations.