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UNION REGIONALE DES INGENIEURS

ET DES SCIENTIFIQUES DE FRANCHE-COMTE

 

 

Compte-rendu de la conférence du 22 avril 2010

« Management au Japon » 

 

 organisée par : l’ENSMM Besançon et son Association AIMM, avec le soutien de l’URIS FC.

 

Lieu - Horaire : Amphithéâtre ENSMM – 26 chemin de l’Epitaphe – 25000 BESANCON  – le jeudi 22 avril 2010- de 14h00 à 16h30

 

Participation : environ 30 personnes étaient présentes, essentiellement des élèves-ingénieurs ENSMM.

 

Participant URIS FC : Jean-Pierre BULLIARD (INSA) et d’autres non identifiés.

 

Conférencier : Gérard GENESTIER

Ingénieur en microtechniques (1973) et docteur en physique du solide (ENSMM BESANCON), a effectué tout son parcours professionnel et personnel en contact avec le monde asiatique, essentiellement japonais.

Il totalise plus de 20 ans d’expérience professionnelle avec le monde industriel japonais et coréen et possède une excellente connaissance des mécanismes culturels régissant ces deux pays.

Son premier contact avec le Japon date de 1970 où il prend une année de césure à l’ENSMM pour effectuer à NAGOYA 15 mois d’entraînement dans une équipe de compétition de Judo de la police japonaise. C’est un contact « brutal » avec le pays authentique …

De 1988 à 1995, il participe (avec un autre ingénieur ENSMM) à la création de SM2E, sous-traitant en assemblage de cartes électroniques. Dans ce cadre il accueille tout d’abord les ‘’guest engineers’’ d’un client japonais et participe à la mise en place d’un système japonais de production, puis est acteur de la reprise de sa société par MITSUBISHI CORPORATION et MITSUBISHI DENKI.

De 1996 à 2001, il travaille pour FAURECIA, en charge des clients japonais et coréens pour la division Echappement de cet équipementier. Il s’occupe également, pour cette division, de la formation au "management du gap culturel" des équipes en contact avec les Japonais et les Coréens

En 1999, à la demande de Serge AIRAUDI, il contribue à la formation de l’équipe de Carlos GHOSN, au tout début de l’Alliance RENAULT-NISSAN. 

De 2002 à 2008, dans la continuité de son contact avec l’Alliance RENAULT-NISSAN, il devient directeur du développement de la filiale en France de CALSONIC-KANSEI (équipementier automobile, filiale de NISSAN). A ce titre il participe à l’établissement effectif de cette filiale et à la formation du personnel français et du personnel japonais au management du gap culturel. Il participe également à la création en Roumanie de CALSONIC KANSEI ROMANIA. 

 

Sujet et contexte de la conférence : Gérard GENESTIER a développé deux thèmes :

-         Les fondamentaux historiques et culturels du comportement des Japonais.

-         Le management du gap culturel dans des équipes franco-japonaises.

Les challenges imposés par la mondialisation de l’économie induisent inévitablement une augmentation significative des échanges de tous types entre les différents pays.

Le Japon n’échappe pas à cette règle, d’autant plus que les contraintes de la mondialisation entraîne actuellement une profonde mutation de ce pays, le faisant passer d’un statut d’ « animal économique » ou d’ « envahisseur » à un statut de « réel partenaire économique ».

Cette inévitable mutation conduit elle-même à une mutation progressive (bien que très lente) de la société japonaise et de ses fondamentaux culturels.

Il n’en demeure pas moins que le gap entre les façons de penser et d’appréhender les affaires des Occidentaux (plus particulièrement les Européens) et des Japonais reste très important et pénalise souvent le bon aboutissement des échanges. .

Autant il semble illusoire de combler ce gap (est-ce souhaitable ?), autant il semble possible de le manager pour le plus grand bénéfice de tous.

C’est ce que Gérard GENESTIER nous a fait découvrir avec brio.

Nota : cette analyse est une vision française faite par un français. Elle serait forcément différente vue par un Japonais.

 

1ère partie : Les fondamentaux historiques et culturels du comportement des Japonais.

a)     La géographie du Japon : le Japon est formé d’îles s’étendant sur 3000 kms. Seulement 25% de sa surface sont exploitables. La latitude de Tokyo est la même que celle des Etats-Unis. Le Japon est soumis à une nature hostile (tremblements de terre, volcans, typhons, tsunamis…) et est surpeuplé (127 Millions d’habitants pour une superficie de 378000 km2, nettement plus faible que la France, sans compter le % de terre habitable). La densité en zone habitable est de 1600 habitants au km2. Cette géographie a de nombreuses conséquences sur le tempérament des Japonais : sentiment de périphérie, d’unicité, tendance à se fermer, grande solidarité face à la nature, tendance au clan.

b)     La langue et l’écriture : à partir du 6ème siècle, des idéogrammes chinois ont été juxtaposés à la langue d’origine Japonaise, avec deux prononciations différentes (YAMATO KOTOBA et prononciation chinoise). Au 8ème et 9ème siècle est apparue l’écriture HIRAGANA et KATAGANA

Facteurs essentiels de la langue : les « signifiants » de l’écriture sont identiques aux « signifiés » d’où un non-besoin d’analyse et – corollaire – un déficit d’esprit de synthèse (chez nous occidentaux, c’est différent : avec les 3 mêmes outils N-O-M nous formons deux mots : NOM et MON). D’où également une difficulté à appréhender les aspects conceptuels. Dans la langue Japonaise, il n’y a pas de pluriel, pas de genre, un nombre limité de temps : d’où une nécessité absolue d’appréhender le contexte afin de lever les ambiguïtés et une propension des japonais à privilégier les contacts « face à face ».

c)     L’histoire : vers -300 : naissance du shintoïsme (SHIN TO = Voie des Dieux)

De 250 à 710 : période YAMATO (la grande harmonie)

De 250 à 538 : influence des Coréens et apparition de l’état du YAMATO.

De 538 à 710 : introduction et essor du bouddhisme – introduction de l’écriture chinoise (kangis).

De 1180 à 1333 : période KAMAKURA / Shogunat MINAMOTO

Ascension de l’élite guerrière des Samouraïs (5 à 7% de la population).

Prémices du Bushido (BUSHI DO = la voie du guerrier).

De 1214 à 1281 : tentative d’invasion des Mongols, descendants de Gengis Khan. Le Japon est sauvé de 2 invasions par des typhons providentiels (KAMI KAZE).

De 1333 à 1570 : période MUROMACHI / Shogunat ASHIKAGA. En 1543 : introduction des armes à feu par les Portugais.

De 1600 à 1868 : période EDO / Shogunat TOKUGAWA. En 1600 : bataille de SEKIGAHARA et victoire du clan TOKUGAWA. N 1603, début de deux siècles et demie de paix. Codification et hiérarchisation extrême de la société. Fermeture du Japon avec un gouvernement autoritaire. L’élite guerrière des Samouraïs devient une élite d’administration du pays et doit respecter la codification officielle du BUSHIDO. 1853 : arrivée du Commodore PERRY et ouverture forcée du Japon.

De 1868 à 1923 : Eire MEIJI. Ouverture définitive du Japon. Disparition des Samouraïs en tant que classe sociale distincte. Naissance des ZAIBATSU pour la plupart fondés par des familles issues des clans de Samouraïs.

De 1894 à 1895 : 1ère guerre contre la Chine : victoire du Japon.

De 1904 à 1905 : guerre contre la Russie. Victoire du Japon.

1923 : début de l’ère SHOWA / Empereur HIRO HITO

1937 : début de la 2ème guerre contre la Chine (invasion chinoise et massacres).

De 1941 à 1945 : 2ème guerre mondiale : défaite du Japon. Bombes atomiques larguées par les américains sur Hiroshima (6 août 1945) et Nagasaki (9 août 1945).

De 1945 à 1952 : occupation américaine. Administration Mac Arthur. Dissolution des 10 plus grands ZAIDATSU. Après 1952, l’économie japonaise se rétablit et permit le retour de la prospérité sur les îles. Le Japon devint progressivement l'une des principales puissances économiques du monde (on parle de « miracle économique » japonais).

Depuis 1989 à nos jours : Ere HEISEI (accomplissement de la paix universelle) correspond au début du règne de l’empereur AKIHITO. Ainsi 2010 correspond à l’an 22 de l’ère Heisei.

d)     La religion et la philosophie : il y a, au Japon, superposition de 3 courants et d’un code :

-Shintoïsme : il y a une multitude de Dieux répartis dans la nature. Les forces positives assurent la cohésion de la communauté. Absence de morale. Notion de pureté, de travail.

-Bouddhisme : fatalisme – passion et envie donnent la souffrance. Compassion –

anti-cartésianisme- Le Bouddhisme « Zen » prône l’effort pour trouver la voie de l’illumination.

-Confusianisme : harmonie et consensus.

-Code de Bushida : la voie du guerrier.

 

Valeurs induites : Résultantes des critères identitaires.

L’harmonie ou WA est la valeur fondamentale. YAMATO, nom de l’ancien Japon, désigne le pays de la grande harmonie. Dans un pays où la violence est omniprésente, il y a des conflits internes dans l’ancien Japon, dans le monde des Samouraïs.

Ce souci d’harmonie donne une nécessaire préservation des rapports sociaux. En entreprise, il y a maintien coûte que coûte de l’harmonie du groupe, même si c’est au détriment de l’efficacité.

L’honneur (MEIYO) et la face (KAO / MENTSU) sont omniprésents : faire perdre la face à une personne est une rupture de l’harmonie au Japon.

Le travail (SHIGOTO) : c’est la vie, l’appartenance à un statut, une famille, une tribut. C’est l’accès à un statut dans la société et le moyen d’exister. La carte de visite est importante. La discipline et le respect de la hiérarchie sont de rigueur. Le respect de la séniorité est l’héritage du confucianisme. La loyauté est l’héritage du BUSHIDO (code des Samouraïs à partir du 17ème siècle). Mais il y a également des sanctions encourues en cas de manquements. La loyauté est un dû vis-à-vis de l’entreprise. La solidarité est une conséquence de l’hostilité de l’environnement géographique et social.

Comportements induits (nécessaires pour préserver les valeurs) :

TATEMAE / HONNE (Debout / Devant) : c’est le masque, la « langue de bois »,

TATEME tend à maintenir l’harmonie, HONNE est ce qui est subjectif, personnel, tend à perturber voire détruire l’harmonie. Dans le contexte de l’entreprise, il est malvenu d’exprimer son avis s’il est différent de celui de ses collègues ou de sa hiérarchie : si on risque d’avoir raison, les dirigeants perdraient la face. Mais hors du contrôle de l’entreprise, on peut poser certaines questions. Le sens de l’effort est le GA MAN mais on montre discrètement qu’on le fait pour le groupe, pour le clan, pas pour sa gloriole personnelle. La hiérarchie tient plus compte de la bonne volonté que du résultat en lui-même (on privilégie les moyens, pas les résultats). On doit se couler dans le groupe, dans le moule (le BA). Le salaire doit être en totale symbiose avec le groupe. L’objectif de l’entreprise n’est pas d’avoir des individualités brillantes mais des individus coulés dans le même moule. Un proverbe dit : « le clou qui dépasse doit être enfoncé » (le non-conformisme sera ramené à la raison).

GIRI et GIRI / NINJO : un japonais est face à des GIRIS (devoirs, allégations, responsabilités). « nous, Japonais, nous avons nos devoirs, vous, français, vous avez vos droits !!! ».

Comportements induits :

SEMPAI / FOHAN (assimilable à Ancien / Bizuth). C’est une relation indépendante de la hiérarchie qui entraîne une logique forte de devoirs réciproques.

La relation type OYA BUN / KO BUN est une relation d’allégeance essentiellement, indépendante de la hiérarchie et des fonctions occupées. Cette relation entraîne une logique forte de devoirs réciproques. KO BUN se sent redevable envers OYA BUN. Ces deux types de relations alimentent l’aspect occulte des jeux de pouvoir dans l’entreprise.

 

2ème PARTIE : Le management du gap culturel dans des équipes franco-japonaises.

L’organisation est basée sur les ZAIBATSU ou clans financiers. Les ZAIBATSU sont créés en 1868. Le capital et le financement des entreprises sont très fermés et se limitent à la famille du clan. C’est une transposition de la culture féodale héritée des deux siècles et demie de l’ère TOKUGAWA. Les entreprises sont des conglomérats à caractère militaro-industriel au service de la politique expansionniste du Japon. Il y a 4 grands ZAIBATSU : MITSUBISHI – MITSUI – SUMITOMO – YASUDA. Et 6 autres importants : NISSAN – ASANO – FURUKAWA – NAKAJIMA – NOMURA et OKURA. En 1945, c’est la défaite du Japon, le démantèlement des 10 premiers ZAIBATSU par Mac ARTHUR pour casser ce système archaïque et antidémocratique. Les KEIRETSU sont créés (communautés d’affaires), ce sont des outils de développement soutenus par les Américains qui se constituent à partir des agrégats des restes des ZAIBATSU. Ils se forment en fonction des relations antérieures, entre familles ou clans d’origine ZAIBATSU. Ils sont caractérisés par un capital accessible au public. Il y a prise de participation (sans majorité) entre les sociétés du même KEIRETSU ou entre sociétés de différents KEIRETSU. La conquête des marchés est une priorité. La concurrence et le profit ne sont pas des principes nécessairement directeurs. La concurrence se fait en aval au niveau des produits mis sur le marché. La concertation, la coopération entre KEIRETSU sont encouragées. Il y a 6 grands KEIRETSU organisés en « triangle de fer » avec le gouvernement : MITSUBISHI – SUMITOMO – MITSUI – FUYO – SANWA – DKB. Ils couvrent tous les domaines (la banque, l’assurance, l’automobile, l’électronique, l’immobilier, la chimie, le textile, la sidérurgie).

Ce qui a changé vers 1997 dans l’environnement des affaires au Japon :

Ce fut la révélation de dettes douteuses, dues aux investissements menés par les KEIRETSU avec un déficit significatif de visibilité stratégique.

Il s’en suit l’adoption d’une politique de développement basée sur la profitabilité plutôt que sur une stratégie de conquête de marché.

Il y a plus d’initiatives dans les affaires, plus d’entrepreneurs indépendants.

La «Sunset Industrie» se développe : certains secteurs ne sont plus rentables et leur fin est acceptée. « Japan Corporated » est en voie d’extinction. Plus d’initiatives personnelles apparaissent. L’emploi à vie et la promotion à l’ancienneté sont de moins en moins en vigueur. Le délitement des KEIRETSEN et le développement de l’ « outsourcing » sont de rigueur. (Un signal objectif de départ est donné à la communauté japonaise des affaires par la politique d’ 

« outsourcing » (approvisionnements passés à l’extérieur) de RENAULT-NISSAN. Il apparaît de nouvelles stratégies de conquête des marchés (un véritable marketing est créé).

 

Fonctionnement au quotidien :

La prise de décision se prépare minutieusement (NEMAWASHI). Une décision doit prioritairement maintenir l’harmonie dans le groupe et être officiellement en adéquation avec les souhaits exprimés (diversité des souhaits) par la hiérarchie. Le NEMAWASHI joue un grand rôle (tourner autour de la racine des problèmes). Il faut avoir accès au HONNE de chaque intervenant pour obtenir son adhésion quant à la future décision. La mise en œuvre du NEMWASHI autorise l’expression des avisés. Le refus de participer aux activités extraprofessionnelles est une faute. Le NEMAWASHI prend du temps et coûte de l’argent mais c’est un processus permanent qui assure une excellente information, maintient la cohésion du groupe, anticipe la phase de préparation du programme, mène rarement à des solutions originales mais toujours à des solutions bien préparées. La feuille d’approbation (RINGI SHO) est un document synthétisant la décision et le programme associé. A l’issue du NEMAWASHI, cette feuille est soumise à l’approbation de chaque intervenant qui signe avant de la transmettre au niveau (n + 1). La décision finale (KETTEI) est prise par le chef et n’est pas consensuelle et n’est pas officiellement contestée.

Les réunions (KAIGI) commencent toujours à l’heure, suivent des agendas précis, aucun temps n’est accordé aux questions diverses, le compte-rendu en est très précis. Il y a plusieurs types de réunions :

o       Les réunions de « prise de décision » : l’ambiance est formelle, ce n’est pas un moment ni de débat, ni de challenge. A l’issue du NEMAWASHI et du RINGI, la hiérarchie annonce ses décisions et lance le programme. L’écoute de la part de l’assistance est « religieuse ». celle-ci est déjà informée par le NEMAWASHI. Il n’y a pas de questions diverses.

o       Les réunions techniques ou d’information : elles se font entre différents niveaux hiérarchiques, elles sont le siège d’un grand formalisme, on n’y pose pas de question (car ce serait montrer son ignorance et l’on ne veut pas risquer de faire perdre la face de celui qui ne pourrait pas répondre). Ces réunions sont moins formelles si elles se font avec des participants de même niveau hiérarchique.

o       Les réunions avec des étrangers : elles sont très formelles, aucune place n’est laissée à l’impromptu ou à l’imprévu, elles sont minutieusement préparées avec des plans d’actions (JUMBI), qui sont exécutés (SHIKKO) et dont la mise en œuvre est immédiate. La responsabilité (TANTO) n’est que collective. S’il y a une erreur, c’est le groupe qui sera responsable et l’on n’en voudra pas aux individus.

 

Organisation et pouvoir :

L’organisation et le pouvoir sont quasi-militaires, issus principalement des deux siècles et demie de gouvernement autoritaire de TOKUGAWA. L’organigramme est formel, très hiérarchique, pyramidal et codifié. Il y a peu d’organigrammes matriciels (à la C.GHOSN). Chacun connait son job et le respecte pour préserver l’harmonie de l’ensemble. Les Directeurs sont subdivisés en deux sous-groupes : le « Conseil d’Administration » qui engage légalement l’entreprise et le « Comité Exécutif » qui participe aux décisions stratégiques. Particularités des « Directors » : ils ont en parallèle une fonction opérationnelle et restent en contact étroit avec le terrain (Le GEMBA). Les « Executives » forment la hiérarchie intermédiaire (« Executive General Manager » ou « Managing Executive Officer »). Il y a aussi de simples « Managers », des Chefs de Division (BUCHO) etc.

La promotion : dépend de l’ancienneté et de la capacité à maintenir l’harmonie. Elle dépend peu des résultats et des compétences techniques.

Le partage de l’information se fait à tous les niveaux, y-compris les informations stratégiques.

La formation : est continue tout au long de la vie. L’emploi à vie permet d’investir à long terme. Elle se fait en interne à l’intérieur de la société (« ON JOB TRAINING ») et est assurée par les plus anciens. Il y a très peu de formation exogène (qui provient de l’extérieur).

L’aspect social : l’emploi à vie est assuré pour les salariés permanents. Pour être cadre, il faut être marié. C’est la « Welfare Company »  qui est mise en place par la société, elle s’occupe des assurances, des prêts et des vacances

L’aspect humain : c’est « la paix au travail ». L’esprit d’équipe règne partout ainsi que la relation de parrainage (SEMPAI – KOHAI). On pratique le sport (dont les arts martiaux) : kendo surtout et judo.

Le pouvoir : dans ce Japon au double visage, qui possède ce pouvoir ?  Celui qui décide, mais qui ? Ce pouvoir est diffus dans le système NEMAWASHI. Le pouvoir officiel est celui qui est légitimé par l’organigramme. Le pouvoir officiel est celui issu des relations d’allégeance (Obligation d'obéissance et de fidélité à un souverain [Histoire]. Synonyme : soumission) entre individus et du jeu des GIRIS réciproques. Le pouvoir réel est en fait un mélange subtil entre le pouvoir officiel et le pouvoir officieux. Maîtriser le pouvoir revient à parfaitement connaître sa « clientèle interne » (c’est une clientèle à vie). Cela revient aussi à savoir instrumentaliser les « outils » propres à la culture japonaise.

Le concept japonais de la négociation :

Rapport au temps : cela revient surtout à planifier les évènements, pas forcément à avoir des résultats. C’est une ressource non limitée qui permet d’attendre le bon moment.

Perception d’une situation : les japonais ont une vision holistique (globaliste) d’une situation. Il y a une finalité globale et de multiples contingences. L’Occident, à l’opposé, a une vision cartésienne et analytique et procède à l’analyse détaillée pour rechercher la vérité.

Le concept japonais de la négociation est basé sur le maintien de l’harmonie, prioritairement. C’est le début d’une longue aventure commune dans un monde changeant. La confiance est primordiale et ne se décrète pas. Les partenariats et contrats concernent les licences, la coopération, les « joint ventures » (majoritaires, égalitaires ou minoritaires). L’approche culturelle fait du partenariat une nécessité. La formulation et l’interprétation du contrat sont différentes de chez nous. Il y a donc une gestion difficile de cet écart entre les cultures : ce qui est différent est une source de risques, pas d’enrichissements. Les japonais ont des difficultés à parler des langues étrangères. Le « jaglich » est un vecteur de communication.

 

Les 15 clés de la gestion du gap culturel en entreprise :

Ces 15 clés possèdent 7 niveaux de mesure et permettent de réaliser une « cartographie » de la vie en entreprise au Japon par rapport à la France.

o       Clé H1 : distance hiérarchique (IDH est l’Indice de Distance Hiérarchique),

o       Clé H2 : Individualisme et Collectivisme (indice IND),

o       Clé H3 : Indice de contrôle de l’incertitude ou indice de tolérance à l’ambiguïté (ICI). Le japonais a horreur du risque.

o       Clé H4 : Indice d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée (au Japon, on vit pour travailler ; en France, on travaille pour vivre).

o       Clé H5 : tendance à court terme ou à long terme.

o       Clé F6 : déduction comparée à induction. L’Européen est déductif, il part du général pour aller au particulier. Le japonais est inductif, il part des faits et remonte au concept.

o       Clé F7 : recherche de l’autonomie. Au Japon, on ne recherche pas l’autonomie : il faut se couler dans le moule. « le clou qui dépasse doit être enfoncé »

o       Clé F8 : culture de l’oral versus culture de l’écrit. Le système français est basé sur l’écrit, le système Japonais est basé sur l’oral.

o       Clé F9 : culture à renforcement négatif par rapport à culture à renforcement positif. Le français a une vision « négative », pessimiste (on voit d’abord ce qui ne va pas, les trains qui ne partent pas à l’heure…). Le japonais a une vision « positive » (plus optimiste, il regarde d’abord ce qui va bien).

o       Clé F10 : culture à niveau de confiance faible (le français) ou élevé (le japonais).

o       Clé J11 : contexte de communication (très fort au Japon).

o       Clé J12 : culture monochronique (le japonais traite un sujet à la fois et ne change pas de sujet) et culture polychronique (le français pense à plusieurs choses à la fois et traite surtout les questions diverses).

o       Clé J13 : obligations réciproques : on s’engage personnellement quand on présente quelque chose vis-à-vis de la personne à qui on la présente.

o       Clé J14 : respect de la séniorité.

o       Clé J15 : recherche de la perfection. Les japonais sont très minutieux et préparent très fortement, même si c’est inutile.

Un tableau synthétique (grille d’évaluation) a été présenté, qui reprend ces 15 clés et note les indices obtenus de 1 à 7 pour les français et pour les japonais. Une analyse des différents cas de coopération a été faite, ce qui a donné une grille de niveau de difficulté suivant que la société est basée en France ou au Japon et comprend des japonais mutés ou sur place et des français mutés ou sur place.

 

            Quel Japon demain ?

La crise mondiale en 2009-2010 se juxtapose à une crise japonaise. Le Japon connaît un vrai problème de société : vieillissement de la population, le fils aîné s’occupe de ses parents (tendance qui tend actuellement à disparaitre). Il n’y a pas, au Japon, de structure d’accueil des vieillards. Le chômage et les licenciements créent une perte de confiance des japonais face aux institutions. Les jeunes se rebellent. La cohésion sociale est remise en cause et cela crée aussi un regain de nationalisme politique.

Les problèmes des entreprises actuelles au Japon : il existe une remise en cause de la stratégie de « Japan Inc ». Egalement, il existe une remise en cause des KEIRETSU ainsi que de l’entreprise traditionnelle par la jeune génération. Face aux valeurs véhiculées par le capitalisme américain, celles-ci sont appréhendées comme les causes de la crise actuelle : regain de nationalisme économique, remise en cause du paradigme (ensemble des formes diverses d’un même mot) du développement à l’occidental, renouveau de considération pour un modèle de développement « à la japonaise », c'est-à-dire préservant le WA (l’harmonie). Les étapes potentielles dans le cheminement vers l’autre sont : la compréhension, l’acceptation, l’agrément, l’acculturation.

Actuellement au Japon, les « winners » (entreprises qui gagnent)  sont des entreprises n’appartenant pas à un KEIRETSU, ayant des dirigeants qui ont suivi leurs études à l’étranger et un capital appartenant à une famille (Ex : TOYOTA, HOND, YAZAKI, NTN qui ont l’ensemble de ces conditions réunies).

Les « loosers » (entreprises qui perdent) sont des entreprises qui appartiennent à un KEIRETSU, qui ont des dirigeants issus exclusivement du système universitaire japonais et dont le capital n’appartient pas à une famille.

 

 

Nous remercions Gérard GENESTIER pour la qualité des informations données lors de cette conférence.

 

 

Rédacteur : Jean-Pierre BULLIARD

Président de l’URIS de Franche-Comté

Président des Ingénieurs INSA de Franche-Comté

Pour le compte de l’ENSMM et l’AIMM