Compte-rendu de la soirée du 7 avril 2009
Bar des Sciences
« Bières : chimie, alchimie ou art ? »
Avec dégustation….
Soirée organisée par : le « Pavillon des Sciences » et animée avec dynamisme par Pascal REMOND.
Lieu - Horaire : Bar de l’Hotel Bristol – 2, Rue Velotte - 25200 MONTBELIARD – de 20h00 à 22h30
Participation : forte, environ 170 personnes étaient présentes au bar dans la salle du 1er étage de l’Hotel.
Participant URIS FC : Jean-Pierre BULLIARD (INSA) – Jean RESTLE (INSA)
Intervenants : - Marc FAIVELEY, enseignant Chercheur, ENIL BIO POLIGNY
- Antoine ROHMER Pharmacien –Thèse de Doctorat sur les bienfaits de la bière.
- Dan LONGVAL et Fabienne LEMIERRE ,Micro brasseur d’origine Canadienne,Brasserie « Entre deux Mondes » à MOUTHIER-HAUTE PIERRE.
- Erik et Chantal DELMER, Micro brasseur, Brasserie Franc-Comtoise à GIROMAGNY
- Jacques ZANANTONI, Micro brasseur, méthode Belge, Brasserie « La Cude » à YEMONDANS
- Roger MAINPIN, Amicale des Anciens de la Brasserie de Sochaux
- Patrick LEMONNIER, Association Malt et Houblon
Contexte de ce « Bar des Sciences » : Blonde, brune, ambrée, noire, blanche
ou rousse… La bière est la plus vieille boisson fabriquée. On la trouve depuis
les temps les plus anciens jusqu'à nos jours sous toutes les latitudes.
Elle a dû apparaître, au néolithique, quand les premiers hommes ont commencé à
récolter les céréales et à les conserver pour une consommation ultérieure. Par
la cuisson des graines et leur fermentation dans l'eau, l'homme des cavernes
s'est mis ainsi à produire une boisson à la fois nourrissante, désaltérante et
se conservant facilement..
Les Français consomment 33,7 litres de bières par an et par habitant et se
placent donc à la dernière position des pays consommateurs en Europe : 15%
seulement de la consommation d'alcool française revient à la bière.
Les inconditionnels vous parleront de l'aspect d'une bière, de sa tenue, la taille de ses bulles, la couleur de sa robe, sa brillance, la texture de sa mousse blanche ou ivoire… Le parfum et le goût d'une bière peuvent évoquer les céréales, le caramel, le grillé, la pomme, la cerise, la pêche, la levure, la brioche, l'acacia, le citron… quelle richesse !
Mais quelle est vraiment son origine? Quels sont les secrets de sa fabrication? Comment la déguste-t-on ? La bière, consommée avec modération, est-elle bonne ou mauvaise pour la santé?
Chercheurs, Brasseurs, Pharmaciens, Amateurs éclairés ont répondu à toutes ces questions.
Présentation historique de la bière : Marc indique d’entrée que la fermentation date de l’antiquité et qu’elle avait des vertus incontestables : on préservait la boisson, grâce à l’alcool, des bactéries pathogènes. Au Moyen-Age, on découvrit le houblon et ses propriétés pharmaceutiques, mais on en mettait dans la bière beaucoup plus que maintenant, ce qui donnait une bière très amère. Au cours des siècles, on a donc diminué progressivement cette quantité de houblon. Dans les années 1900, des brasseries ont été démantelées en France pour les transformer en usines à munitions. Il y avait en 1900 environ une brasserie par canton, partout en France. Après la guerre, les grands groupes ont commencé à concentrer la production de bière. Aujourd’hui, tel un balancier, les microbrasseries sont en plein développement.
Julien confirme qu’historiquement les premières bières ont été brassées en -4000 AJC en Mésopotamie, on y pratiquait la torréfaction. Mais on n’en connait pas l’inventeur, sans doute une ménagère laissant fermenter des céréales. Guillaume IV en 1516 a établi une « loi de pureté » sur la bière, ne tolérant que 4 ingrédients dans sa composition : l’eau, le malt, le houblon et la levure. Tous les brasseurs du monde continuent aujourd’hui cette même méthode, y rajoutant des enzymes. En Roumanie, les brasseurs sont obligés d’utiliser l’acide lactique comme adjuvent, il y en a dans le malte en fermentation.
La méthode de fabrication de la bière : Jacques explique son travail d’artisan : on part avec l’eau du robinet (mais on la porte à ébullition pour y éliminer le chlore), on y mélange du malt (orge) acheté dans une malterie en Belgique. On ne saurait pas faire malter facilement de l’orge de Franche-Comté, il en faudrait des paquets d’environ 30 tonnes pour être sûr du résultat ! Les céréales telles que l’orge, le seigle, le blé et le maïs se maltent. On nous montre alors, dans des flacons, du malte en grains d’origine (blanc) puis torréfié (presque noir). Ils ont un indice EBC (Evidence Base Communication) qui indique la couleur (valant 3 pour les plus pâles et 1300 pour les plus foncés). Le malt ne sert pas qu’à la bière, il sert aussi pour la production d’ovomaltine et de whisky. Le malt torréfié remplaçait le café pendant la guerre. Si l’on goûte le malt au début du brassage, on a l’impression de boire de l’ovomaltine. Les céréales (orge, seigle, blé etc.) germées et séchées donnent le malt. L’artisan calcule le goût et la couleur de la bière en fonction des différents malts. On concasse le grain grossièrement. On brise l’amande intérieure du grain, l’endosperme, pour s’en servir comme amidon. On réalise alors une succession de différents paliers de température pour fractionner la chaîne et fabriquer différents sucres. Le résultat gustatif de la bière tient dans un juste équilibre entre le sucre et l’alcool. Cet équilibre est important pour sa formulation. On peut réaliser une bière « sèche » (avec plus d’alcool) ou une bière « moelleuse » (avec plus de sucre). On met alors de la levure (levure de boulangerie, la même que la levure de bière). La différence entre un viticulteur et un brasseur est que le viticulteur peut laisser fermenter son raisin et revenir travailler ensuite alors qu’un brasseur doit brasser pendant toute une journée pour obtenir l’équivalent du jus de raisin du viticulteur après vendange. Une levure de brasserie doit avoir des qualités de décantation, (elle doit résister à l’alcool pour le vin, pas pour la bière), la bière s’oxydant facilement, il faut donc utiliser des levures qui la décantent bien. A partir des enzymes du malt, on fabrique des dextrines qui sont des molécules plus digérables. On monte alors en température (vers 80°C) pour désactiver les bactéries. Puis on envoie le résultat dans une cuve-filtre sur une sorte de grillage, avec de l’eau chaude, on obtient un résultat, au départ, contenant beaucoup de sucre (la durée du filtrage est d’environ une heure et demie, on envoie ce jus sucré dans la « bouilloire à moult ». Le liquide bout pendant une heure et on y rajoute le houblon en quantité dosée (il faut environ 2 grammes de houblon dans 200 grammes d’orge malté pour obtenir un litre de bière à 6 degrés d’alcool). On utilise la fleur verte du houblon. Il y a deux sortes de houblons :
1) Les houblons amérisants
2) Les houblons aromatiques.
Le houblon est un très bon antiseptique servant à la conservation de la bière. Son pourcentage d’amertume diffère en fonction des recettes, on peut obtenir ainsi une bière ayant un goût mentholé ou de pamplemousse. Il y a 200 variétés différentes de houblons.
Après avoir obtenu ce liquide bouilli (que l’ex-québécois Dan LONGVAL se plait à appeler « le bouillage »), liquide alors stérile, liquide fragile, il faut le refroidir sur un échangeur à plaques. On met alors ce bouilli dans un fermenteur et la fermentation commence. Les sucs du moult sont alors transformés en gaz carbonique et en éthanol (alcool), grâce à l’adjonction de la levure (juste après le refroidissement). Ceci est réalisé en présence d’une quantité dosée d’oxygène qui « réveille » la levure. Il existe deux types de fermentation, suivant la température :
1) La fermentation haute (à 22°C), ce qui donne les bières blanches allemandes, les bières belges et anglaises,
2) La fermentation basse (par exemple pour les bières de mars).
On a attendu au 19ème siècle l’arrivée des compresseurs pour obtenir les basses températures. La vitesse de fermentation est très importante (de 3 à 4 jours à hautes températures, mais on dégage plus d’arômes à basse température, avec une vitesse plus lente).
La conservation de la bière : la plupart des micro-brasseries font des refermentations en bouteille, ce qui empêche le produit de s’oxyder. Dans une brasserie « industrielle » on cherche une bonne répétabilité dans le temps, on bloque alors le produit par des techniques artificielles. Le problème de l’industriel est de « cloner le goût ». Les bières filtrées pasteurisées (issues des brasseries industrielles) sont très différentes des bières non-filtrées, non-pasteurisées produites dans les micro-brasseries.Nos artisans trouvent qu’il est dommage de filtrer, cela enlève les levures contenues dans la bière, on perd ainsi des vitamines B, bonnes pour la santé (pour le bon cholestérol). Dans le houblon, il y a aussi des hormones femelles.
La bière et la santé : boire chaque jour 2 à 3 verres de bière est excellent pour la santé. Ces bienfaits sont dus à l’alcool et aux composés spécifiques. Les dérivés du houblon protègent l’homme contre l’ ostéoporose et contre les maladies cardio-vasculaires. Mais il y a peu de houblon dans les bières « commerciales ». Le houblon possède aussi la propriété de faire dormir (mais il faudrait en absorber une nettement plus grande quantité que celle existant dans la bière). Le houblon est un antioxydant qui protège contre certains cancers. On étudie en ce moment dans les instituts allemands une adjonction supplémentaire de houblon (par exemple le Xantuomol qui a des propriétés antioxydantes). La bière Xan est commercialisée à Weinstefan en Bavière.
Les bienfaits liés à l’alcool contenu dans la bière (consommée en quantité modérée mais régulière) sont la diminution du mauvais cholestérol et l’augmentation du bon cholestérol, ce qui fait baisser le taux des maladies cardiovasculaires. Le bon alcool est l’éthanol, le mauvais est l’alcool à chaines plus longues, toxiques, provoquant les maux de tête.
La bière bavaroise (Weizenbier) : c’est la bière de froment, contenant 50% de blé, type de fermentation haute. Elle a un goût « citronné » et une levure spéciale contenant beaucoup d’esters. Elle peut aussi avoir un goût de banane. Les levures Weistäeffel sont très florales.
La devise du brasseur de bière : est rappelée par notre ami canadien : « moins longtemps tu la gardes, plus vite tu en fais d’autres ! »
La finition : Juste après fermentation, le brasseur fait une « garde », bière verte, trouble, on la préclarifie pour fixer le gaz carbonique avant la mise en bouteilles. On la fait vieillir pour précipiter les protéines. On y rajoute alors une part de malt, du moult sucré, pour définir le taux de bulles de gaz carbonique à l’intérieur de la bouteille. On met alors la bière en bouteilles, on fait la « prise de mousse » en la mettant au chaud et la fermentation repart (pendant 10 à 15 jours). On peut aussi faire la fermentation dans une cuve ouverte pour laisser échapper le gaz carbonique de la fermentation puis faire la mise en bouteille (on obtient alors, comme pour le champagne, une refermentation). Les temps de garde siont différents suivant la taille des bulles que l’on veut obtenir, cela fait partie des « secrets » de fabrication des brasseurs. Ensuite on laisse un temps de maturation plus ou moins long (autre secret de fabrication).
Les bières et la mousse : notre brasseur canadien annonce : « une bière sans mousse, c’est comme un baiser sans moustache ! ». Les bières anglaises, ayant une fermentation haute, sont sans mousse, elles sont faites maturées très vite, après une semaine et demie en tonneau. Les anglais mettent du cartilage de poisson au fond du tonneau pour rassembler les protéines (colle à poisson), un peu comme l’albumine dans le vin. Cela donne une bière claire comportant peu de bulles. On tire la bière avec une pompe à air, directement depuis le tonneau.
Bière et conditionnement : une bière sur lit ne sera jamais conditionnée en cannettes métalliques : si on filtre, on enlève les goûts et les arômes. Il y a des vernis sur les cannettes, qui risquent de migrer dans la boisson. La pression de conditionnement en verre est aussi supérieure à celle en cannettes. Une « guiness » irlandaise n’est jamais exportée. Les bières pression sont faites de la même façon mais elles sont conditionnées en fûts au lieu d’être mises en bouteilles. Il, existe des différences entre ces deux types de bières à cause du volume de refermentation qui n’est pas le même dans les deux cas. Souvent on préfèrera une bouteille à une bière pression si l’on a des doutes sur la propreté des tuyaux et du système de pression dans son ensemble. (les tuyaux devraient être nettoyés toutes les 6 semaines !). C’est aux brasseurs à éduquer les « bistrottiers » pour assurer l’hygiène nécessaire aux consommateurs. La « Pilz » de Tchéquie est une bière légère et claire. La bière d’Angleterre a une qualité fortement dépendante de l’eau utilisée dans sa fabrication. La date de péremption est indiquée sur toute bouteille mais n’a aucune conséquence sur la santé (il existe une Date Limite d’Utilisation Optimum = DLUO pour laquelle il n’y a aucune altération des propriétés du produit et une Date Limite de Consommation = DLC). Dans le cas de la bière, on peut dépasser ces dates de quinze années sans aucun danger pour le consommateur. Sur l’étiquette de la bouteille on indique également en clair si la bière n’est pas pasteurisée (ex bière Météor). On se rend compte, entre brasseurs, qu’avec exactement les mêmes recettes de bière, on obtient des produits complètement différents. On peut acheter soi-même des kits de fabrication de bière à partir du malt d’origine, on arrivera toujours à en faire. La propreté est un facteur de réussite important en brasserie. On peut aussi devenir « Docteur es Bière » en Allemagne. On raconte qu’il existait autrefois à Sochaux une bière dénommée « la Savoureuse » à cause de l’origine de l’eau utilisée (la rivière, La Savoureuse traversant Belfort et Sochaux).
La bière après l’effort physique : après un effort, une bière « classique » aurait plutôt tendance à déshydrater. Après l’effort, la bière amène des sels minéraux et des bicarbonates. Une bière blanche de froment sans alcool a des vertus supérieures après effort. (ou un « panaché » que les allemands nomment « Ein Radler », un coureur cycliste). On voyait aussi autrefois des affiches conseillant aux femmes allaitantes de boire de la bière… (ceci est u à la présence d’hormones femelles dans les houblons).
La bière sans alcool : suit la même fabrication mais, en final, on lui extrait l’alcool qu’elle contient. En Allemagne, il faut moins de 0,5% d’alcool pour qu’une bière puisse porter le label « sans alcool ».
Querelle de marques : il, existe deux bières portant la même marque « Budweiser » aux USA et en Tchéquie. C’est la Tchéquie qui a finalement gagné son procès contre les USA. Ces derniers devront abandonner ce nom de marque.
Recettes à la bière : la bière se cuisine aussi bien que le vin. Notre brasseur canadien signale qu’il a réussi à faire un coq au vin, sans coq !!! Mais la bière accompagnez aussi bien un fromage que le vin. Le côté amer de la bière et astringent est intéressant. On peut faire un très bon bœuf bourguignon à la bière (que les chtis nomment « carbonnade »).
La bière est diurétique (surtout la nuit et surtout l’Anglaise).
Whisky et bière : le whisky est le stade ultime de fabrication de la bière : c’est son cousin. Le whisky est bien un dérivé de la bière : le brassage et la filtration sont identiques mais ensuite, pour le whisky, il n’y a pas d’ébullition, juste une fermentation. Le moult part alors pour être distillé (et on ne rajoute pas de houblon dans le whisky).
La couleur de la bière : provient de la torréfaction des malts (bières rousses, blondes, brunes, blanches…).
En guise de conclusion, Valorisons la bière et apprécions-la ! Défendons-la ! Le brasseur Jacques conclut « quand on fait la bière, on la réalise avec beaucoup d’amour ! ».
« Buvons de la bière à l’occasion, surtout quand il n’y a pas d’occasion ! »
Faisons-nous plaisir et posons les questions aux fabricants !
Pour continuer, rendez-vous au « Salon de la Bière » les 18 et 19 avril 2009 au Musée de l’Aventure Peugeot à Sochaux. 20 brasseries d’art y participeront, soit la moitié des brasseries de Franche-Comté !
Programme des prochains « Bar des Sciences » en 2009 :
Mardi 26 mai 2009 : Homéopathie, y-a-t-il un débat ?
Jeudi 18 juin 2009 : De la nature – pour penser l’écologie !
Jeudi 10 septembre 2008 : la lecture qui guérit ? Des mots pour les maux !
Rédacteur : Jean-Pierre BULLIARD
Président de l’URIS de Franche-Comté
Président des Ingénieurs INSA de Franche-Comté
Pour le compte du Pavillon des Sciences