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UNION REGIONALE DES INGENIEURS

ET DES SCIENTIFIQUES DE FRANCHE-COMTE

            

 

Compte-rendu du Bar des Sciences du 16 novembre 2010

« Frontières invisibles : Identité…Nation…Culture » 

 

 

Soirée organisée par : le « Pavillon des Sciences » et animée avec dynamisme par Pascal REMOND.

En partenariat avec la MALS de Sochaux.

Lieu - Horaire : Bar de l’Hôtel Bristol – 2, Rue Velotte - 25200 MONTBELIARD – ce mardi 16 novembre 2010- de 20h00 à 22h15

 

Participation : Très bonne, le bar (salle du haut) était plein : environ 100 personnes étaient présentes.

 

Participant URIS FC : Jean-Pierre BULLIARD (INSA) – Pierre THOCKLER (AM)  - Christian GRIEDLICH (AM) et d’autres non identifiés.

 

Intervenants :

·       France GUERIN-PACE             Identité et territoires des populations INED, Paris.

·       Alain MOLLOT                        Metteur en scène Fondateur du Théâtre de la Jacquerie.

·       Théâtre de la Jacquerie        Véronic JOLY et Pascal LE GUÉNEC, Acteurs.

·       Thierry MARTIN                     Philosophe UFR de Franche-Comté.

·       Claude SCHOCKERT                Evêque de Belfort, Montbéliard, Commission Episcopale mission universelle de l’Eglise (à confirmer).

·       Joël DAUTHEVILLE                 Inspecteur Ecclésiastique Montbéliard.

·       Claudia HEIDEMANN               Pasteure et danseuse d’origine Danoise, Héricourt.

·       Elie HAYOUN                         Rabin, Mulhouse.

·       Marc DAHAN                          Chercheur à l’université de Besançon, mécanicien, responsable de l’amitié Judéo-Musulmane à Besançon.

 

Contexte de cette soirée :

En partenariat avec la MALS de Sochaux.

Le Bar des sciences (en collaboration avec la MALS) a fait place pour ce mardi 16 novembre au Théâtre de la Jacquerie. Il y a eu Alain MOLLOT, Metteur en scène et deux de ses Acteurs Véronic JOLY et Pascal LE GUÉNEC  pour interpréter au milieu du public les paroles et réflexions recueillies dans notre Pays de Montbéliard par des sociologues et journalistes : c’est Paul, un Ancien Combattant, Riri la française qui coépouse un Malien, Mylène la Pasteure protestante, Ahmed le Garde Républicain, Pierre le Prof de physique… qui parlent de leurs destins pour susciter émotion, réflexion et débat.

 

France GUERIN, Directrice de recherche à L’Institut Nationale des Etudes Démographique a beaucoup travaillé sur ce sujet et débattra avec Thierry MARTIN, Philosophe. Claude SCOCKERT, Evêque, Joël DAUTHEVILLE, Inspecteur Ecclésiastique et Elie HAYOUN, Rabin apporteront leur vision de responsables religieux et Claudia HEIDEMANN nous a fait partager sa richesse et sa complexité de Femme, Pasteure, Danseuse professionnelle et d’origine allemande travaillant en France.

 

 

 

Comment se définit-on aujourd’hui ?

- La famille, le métier, la religion, le territoire semblaient être depuis des siècles, des références identitaires immuables. Au cours de ces dernières décennies, l’affaiblissement des institutions traditionnelles et la mondialisation se sont accompagnées d’une diversification des formes d’appartenances. Les parcours de vie des personnes sont plus complexes, souvent marqués par des ruptures notamment familiales, professionnelles.

 

Dans cette logique, il a semblé qu’il était bon de gommer les particularités, de façonner tout le monde dans le même moule. Les mœurs se sont tendus vers une unification, les goûts vers une pensée unique. Le standard de l'égalité et de la parité se sont fortement affirmés alors que parallèlement, d’autres cultures, d’autres affirmations identitaires se sont renforcées et parfois même durcies en communautarismes étanches. En même temps se développait une société d’individus et d’égoïsme.

Notre humanité est faite de  ces contradictions, de ces fragmentations. Les rapports entre les sexes, les générations, les races, les peuples introduisent des lignes de tensions qui s’érigent bien souvent en frontières invisibles. Faut-il les ériger, les gommer, les traverser … c’est là le débat !

 

Déroulement de la soirée :

 

France GUERIN-PACE prend la parole : elle n’a pas choisi son prénom (comme tout un chacun). Elle indique que nous avons tous un patrimoine identitaire qui constitue un certain nombre de « cartes à jouer », nous avons des projets de vie, des projets professionnels, nous sommes attachés à certains lieux… C’est ce qui fait notre identité, à un instant donné, mais qui variera tout au long de la vie (nous occulterons certaines appartenances au profit de certaines autres).

 

Le théâtre de la Jacquerie interprète différentes scènes de la vie courante, nous entendons les paroles de personnes de Sochaux, Colombes, Villejuif. Ce spectacle se fait en deux temps : ce soir « Frontières Invisibles », et, vendredi 11 mars 2011 à 20h30, à la MALS de Sochaux, ce sera le deuxième temps : « Les grognards de la République ».

Place à Véronic JOLY et Pascal LE GUÉNEC, les Acteurs :

 

Scène 1 : un père dit à son fils : « tu penses quoi, de la nation ». La nation, le fils est contre… Pour lui ce sont des vieillerie « Travail, Famille, Patrie ». La Nation, ce fut Vichy et la Collaboration, l’instituteur qui m’explique 14-18. Après cette guerre on crée la « Société Des Nations », soi-disant pour éviter les conflits… et cela a conduit à 39-45. Dans ce conflit, il y avait la Nation face à l’Ennemi, les Bosches, les Fritz, les Fridolins… Puis la Nation s’est divisée avec la guerre d’Algérie, OAS contre FLN, puis avec la guerre d’Indochine, la rue de Charonne : tous ces algériens massacrés dans le métro et jetés à la Seine. Henri ALLEGUE a dénoncé la torture… Après, ce fut 68, le temps des festivals de musique, Bob DYLAN, les STONES, l’Internationale. Depuis ce temps, la Nation me colle aux pattes, c’est l’International qui compte, plus de frontières, plus d’armée. Intervention de Véronic : mais si les jeunes ne vont pas à l’école, on devrait les obliger à aller à l’armée, cela leur donnerait un cadre. Moi, je préfère le Service Militaire à Pôle Emploi !!!

 

Scène 2 : Riri, la française a fait un mariage mixte au Mali. Elle a 55 ans. Elle aime le partage des cultures, la culture africaine du Centrafrique. Lui, mon co-époux, a porté intérêt à ce que je faisais, il partageait nos repas. Il y a eu un premier voyage, puis un deuxième. On s’est revu, il est venu chez moi en France. Lui est Musulman, moi je suis Athée. Il a des enfants . Car j’ai rencontré Fatou, sa première épouse malienne. Il m’a demandée en mariage en septembre. Je croyais être prête. Mais les questions sont venues plus tard : je n’allais pas bien car je remettais en cause le mariage, la veille-même de me marier. Nous devions nous marier religieusement : c’est plus simple, il n’y a pas de registre à signer comme à la Mairie…Là je me suis rendue compte de différences culturelles. Je suis tombée en dépression. Mais ça, ce n’est pas reconnu en Afrique. J’avais face à moi des avis contradictoires, je me suis sentie exclue. Je ne pouvais pas aller danser avec tout le mode, je devais rester dans ma chambre. Je suis française, pas musulmane. J’ai essayé de lui expliquer que c’était un mariage mixte. Quand on est rentré en France, on a fait la fête avec nos amis et je n’ai pas senti d’hostilité de la part de la famille proche au Mali. Je suis maintenant Madame Bukabé, mais cela n’est pas officiel en France car je suis co-épouse. Pour moi, je suis africaine-française. Maintenant je ne mange plus avec lui, je mange avec les femmes et les enfants…

 

Scène 3 : Ahmed, Garde Républicain, discute avec Aïcha qui lui reproche de s’être fourré la dedans…Elle, elle a suivi les potes, a brûlé trois voitures parce qu’on manque d’attention envers nous autres, dans les cités. La Nation, c’est quoi ? Le 11 novembre, c’est quoi ? Moi, les études ne me plaisent pas. On n’en a rien à faire de savoir ce que faisait Louis XVI, que Colomb a découvert l’Angleterre (non : l’Amérique !) ; l’Empire Romain, c’est vieux. Mais Ahmed refait un cors d’histoire, il parle de la lutte des femmes, de l’Affaire Dreyfus, de la Résistance, de la guerre d’Algérie, là où il y avait quatre grands deys, réunifiés lors de la colonisation… Ils ont voulu être algériens. La France est un pays, l’Algérie aussi. Cela n’empêche que 50% des algériens veulent venir en France… Aïcha répond que « servir, c’est pour cela que t’es flic ! ». Ahmed répond qu’il n’est pas flic mais Garde Républicain. Je sécurise l’Assemblée Nationale et le Sénat. Je rends les honneurs à chaque Président en chapeau à plumet rouge et avec des épaulettes…Le 14 juillet me fait des frissons…Ce défilé montre la force militaire d’un pays et sa cohésion. J’ai été impressionné par la Reine d’Angleterre. J’ai résisté à la femme qui voulait voir à tout prix le 1er ministre dont elle se disait amoureuse. Aïcha rétorque : « à quoi cela sert-il de servir le 1er ministre si tu ne peux pas lui parler ! On a besoin d’attentions. Les hommes politiques devraient nous considérer un peu comme leur propre enfant. Toi, t’es un bouffon !  Moi j’aime jouer au théâtre la comédie, ainsi j’oublie tous mes problèmes ! Mr le Président, il y a une partie de votre corps qui dit la vérité pendant que l’autre ment !!!».

 

Scène 4 : Mylène la Pasteure Protestante arrive en lisant la Bible. « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre ! Allez donc, baptisez toutes les Nations au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! De toutes les Nations, faites des disciples ! ». Elle enchaîne : « Je voudrais vous parler de la Nation : cela me ramène à mon enfance, à Sartrouville, des fêtes, des Auvergnats, des Bretons, des Africains du Nord. Même si les chauffeurs de bus étaient en grève, les enfants venaient en courant à l’école, parcourant ainsi 6 kms. Et il fallait perdre encore 10mn de cours pour aller chercher un billet de retard. Ce qui m’a marquée, c’est l’injustice. Puis, j’ai pu voter, participer à la vie de la Nation. J’ai vu des copines de 18 ans qui n’avaient pas le droit de vote car elles n’étaient pas françaises. La Nation, pour moi, c’est Valmy, cette armée constituée de gens venus de partout qui mettaient l’ennemi en déroute en chantant la Marseillaise. A mes débuts à Strasbourg, c’était l’horreur ! Je ne me sentais pas bien ! Ce qui me manquait, c’étaient les émigrés ! Cela manquait de couleurs ! Maintenant, vous restez enfermés chez vous, vous ne sortez plus ! On ne peut pas renvoyer chez eux des gens qui ont fait 8000 kms pour fuir leur pays, on ne peut pas les renvoyer dans un pays en guerre ! Ce n’est pas la Nation que j’ai connue. C’est Dieu qui nous rassemble en nous apprenant à observer tout ce qu’il a prescrit ! Nous avons ces 3 mots : Liberté, Egalité, Fraternité ! On ne peut donc pas se refermer sur soi : ces 3 mots sont un projet pour être libres, égaux et frères ensembles ! Soyons les « laïcards » de la république ! Nous avons tous été à l’école avec des gens que nous n’avions pas choisis. L’autre est là ! Va-t-il bien ? A-t-il besoin de quelque chose ? Ne chassons pas celui qui ne nous ressemble pas ! Nous sommes affairés de ce qui nous menace et cela nous rend muets comme ces frères Franciscains de Toulouse qui se réunissent en « cercles de silence » pour penser à ceux qui sont au centre de rétention, ils se taisent pour dire qu’ils ne sont pas d’accord ! Amen ! ».

 

Scène 5 : Un village en Kabylie… Moktar se souvient des jardins et des maisons. Son père était déjà en France. L avait travaillé aux mines de Saint-Etienne puis était devenu éboueur. « On est venu retrouver papa, je revois le taxi, le bateau pour Marseille, le train jusqu’à Pontoise. On était une famille de 11 enfants. Deux jours après, tous étaient rassemblés dans une grande pièce… Puis je suis rentré à la maternelle. J’avais un copain, émigré, comme moi… Puis des cousins sont venus nous rejoindre, ils travaillaient. Papa se levait à 4h du matin pour aller travailler. Quand mon frère a eu 18 ans, ce sont alors deux salaires qui pouvaient nourrir toute la famille. A 13 ans, je suis retourné en Algérie. Je me suis engagé à y retourner tous les deux ans. Là-bas, on me considérait alors comme un émigré, avec ma voiture immatriculée 95…  Je repartais ensuite pour la France et me faisais désosser ma voiture à la douane algérienne. Je remplissais le papier de police pour pouvoir sortir du pays et auss le papier pour la voiture. Le chef de douane arrivait, il soutenait son douanier. Finalement ils ont laissé partir la voiture. Il y avait comme un non-respect de l’individu que j’étais. Moi, je me sens citoyen du monde ! La France, c’est la République ! c’est la laïcité ! Je voulais qu’on me reconnaisse en tant qu’individu. Au décès de ma grande sœur, je me suis occupé de tout. Je suis bien un individu. Mes parents ont toujours la nationalité algérienne. Moi, j’ai choisi la nationalité française pour pouvoir voter, pour entrer dans la politique. Cela a duré deux ans pour obtenir les papiers ! J’ai été alors reçu à la préfecture et l’on m’a remis, en grandes pompes, le Certificat de Nationalité Française, on m’a passé un diaporama et on a chanté la Marseillaise. J’ai souffert de m’appeler Moktar. J’ai appelé mes enfants Serge, Thomas. Je suis très fier car j’ai été nommé « Maire Adjoint ». Mon père aussi est fier ! Il dit, mon fils c’est quelqu’un ! ».

Claude SCHOCKERT, le Père Evêque : depuis 2006, il accompagne les questions touchant l’émigration. Il a regardé de près la loi française. Il a rencontré 25 communautés catholiques issues de l’émigration (venant des 5 continents). Il a trouvé ce spectacle très beau, théâtre très représentatif de ce que l’on entend partout : des préjugés, des jugements, des difficultés pour se comprendre. Il a combattu en Algérie et les souvenirs de là-bas lui reviennent.

 

Elie HAYOUN, le Rabin : a, comme le Père Evêque, bien apprécié le spectacle de ce soir. Il ajoute la parole de Dieu à Abraham, Père des Nations avec Isaac et Jacob : « Que ta descendance soit comme les étoiles du ciel, le sable de la mer et la poussière de la terre ! «  Ces trois façons de bénir ont une explication : quand on regarde le ciel, on y voit les astres dans une harmonie extraordinaire, aucun ne porte ombrage à l’autre. Le sable de la terre est harmonieux mais il est fait d’autant de grains individuels, tous différents. La poussière de la terre, lorsqu’on la dilue avec un peu d’eau, devient un amalgame. Il faut que nous soyons capables de nous unir comme cette poussière de la terre. Mais les frontières sont là, même invisibles et nous avons du mal à les traverser. Il faut cependant apprendre à vivre ensemble !

 

Joël DAUTHEVILLE, l’Inspecteur Ecclésiastique : a apprécié aussi le spectacle, il y a reconnu sa collègue de Sochaux. Il est allé en Nouvelle-Calédonie où il y a la « coutume », tout un protocole qui veut dire : « tu viens me voir, si tu fais la coutume, tu reconnais que je suis chez moi et que je suis là pour t’accueillir ! ». La frontière est importante et signifie qu’on peut aller chez toi et te reconnaître dans ta dignité pour ce que tu es ! Si les français avaient fait la coutume avec les néo-calédoniens, il y aurait eu bien moins de problèmes et d’incompréhensions. L’apôtre Paul, un grand transfrontalier, déclarait que le chrétien est étranger et voyageur sur la terre. L’homme n’est qu’un locataire de la terre et n’est pas enfermé dans ses frontières car on peut le visiter. L’Apocalypse est un livre qui donne une forte espérance à la communauté chrétienne fortement attaquée par les Romains. C’est un magnifique livre d’espérance qui annonce que tous les peuples seront un jour réunis ensemble.

 

Marc DAHAN, le chercheur : nous parle de son association d’amitié Judéo-Musulmane sur Besançon. Cela a été pour lui l’occasion de se rencontrer et de redécouvrir nos racines communes. Ces peuples partageaient autrefois la cuisine et la langue. Les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas cela car leurs parents ne leur ont pas transmis. On mélange alors les problèmes religieux et les problèmes politiques.

 

Un participant regrette que ce soit un Pasteur qui porte la parole de la République et déplore le manque de représentants des athées ? Pourquoi n’inviter que des religieux à ce Bar des Sciences ?

 

Thierry MARTIN, le philosophe lui répond qu’il est aussi invité et qu’il représente bien les athées car il revendique ce droit. Il poursuit en disant qu’étant athée, il n’est pas cependant hostile à la religion mais il a du mal avec la religion car c’est un monde qui, pour lui, est étranger. N tant qu’individu, il remercie les comédiens pour leur performance et la qualité des textes ! Il y a des préjugés mais aussi une richesse. Son point de vue philosophique est qu’il est nécessaire qu’il y ait des frontières car ce sont elles qui définissent. L’uniformité d’un pays unique sans frontière serait un appauvrissement. La philosophie n’a pas d’objet propre, elle n’est enfermée dans aucun objet particulier mais est ouverte à tous les objets, elle est transdisciplinaire. Le discours philosophique fait référence à la rationalité, à la raison, ce qui permet de dépasser toutes les diversités culturelles et cultuelles. La philosophie rend possible un dialogue par delà les cultures. Thierry a enseigné quelques jours en Guinée-Conakry.

 

France GUERIN-PACE, l’observatrice et statisticienne des identités a aussi apprécié les histoires de vie retransmises par les 2 acteurs. Dans ses enquêtes, elle constate que les trois quarts des personnes interrogées trouvent importantes la religion et la politique. Mais pour elles, elles ne veulent pas trop en parler car c’est du domaine du privé. Où s’arrêtent les frontières ? Pour certains, elles s’arrêtent à leur quartier ? En dehors de leurs quartiers, on est chez les autres… Le lien entre les différentes générations est très important. Le citoyen est quelque chose d’important.

 

Un participant souligne qu’il est mal à l’aise quand on oppose la religion et la laïcité.

 

Claudia HEIDEMANN, la Pasteure et Danseuse a vécu toutes ces frontières visibles et invisibles. Au Danemark, elle était danseuse. Elle a vécu des deux côtés de cette frontière (au Danemark et en Allemagne). Elle ne veut pas qu’on la mette dans une case. Elle a commencé des études de théologie en Allemagne et est depuis deux ans en France (Bravo pour sa maîtrise de la langue ! – note le rédacteur). Son ministère de Pasteure s’exerce à la frontière. Elle se sent bien au milieu des personnes exclues et vient d’être nommée Aumonière des prisons. Ce qu est enrichissant, ce sont précisément nos différences, dit-elle.

 

Elie HAYOUN, le Rabin : est d’accord : on est croyant ou pas croyant, peu importe. Coluche dirait « je me marre ! ». Nous sommes à une période de transition : autrefois le religieux occupait 50% de la vie du foyer. A l’école (en Alsace) on baignait dans la religion. Aujourd’hui seulement 1 à 2% de religieux occupent réellement nos vies.

 

Une participante constate qu’à l’intérieur de nous-mêmes, nous pouvons être étranger et il faudra aussi apprivoiser cet étranger qui sommeille en nous !

 

Christina, une autre participante demande à France, pour rebondir sur sa première intervention si la religion fait partie du jeu de cartes et i on pourrait la rentrer. France répond que l’engagement, quel qu’il soit (religieux, politique, addiction…) sont des cartes du jeu constituant notre patrimoine identitaire.

 

Jacques, un autre participant,  constate que le théâtre ne résout pas les problèmes, ni les assemblées humanistes. Il est sûr que tous les politiques apparaissent comme étant sympathiques, c’est ce qui est grave : Eichmann, lui aussi, apparaissait sympathique !

 

Un autre participant parle de la belle leçon d’humanité retransmise récemment à la télévision : à la bande de Gaza, des surfeurs des deux camps partageaient leur passion en toute amitié.

 

Alain MOLLOT, le metteur en scène indique les raisons du choix du sujet théâtral de ce soir. Il souligne le problème posé par l’Europe : va-t-on se passer de la Nation au nom d’une Europe, envisagée déjà par Victor Hugo (mais ayant Paris comme capitale !!!). On a besoin de l’autre, on a besoin de la frontière, on n’est pas tous les mêmes, on est des autres pour d’autres…

 

Joël DAUTHEVILLE, l’Inspecteur Ecclésiastique : se rappelle qu’un philosophe a dit : « ce que le Judaïsme a inventé, c’est le prochain, c’est l’autre ». La religion est bien au cœur des relations avec autrui.

 

France GUERIN-PACE, l’observatrice et statisticienne des identités souligne que dans ses enquêtes, quand elle demande à quelqu’un d’où il vient, c’est l’échelle locale qui arrive généralement en première réponse, puis le département, puis la région. Pour les descendants d’immigrés, se dire français représente quelque chose de très important.

 

Elie HAYOUN, le Rabin : indique qu’il y a un travail d’éducation à faire sur nous-mêmes pour comprendre l’autre comme il se comprend lui-même. Il reparle des « cercles de silence » dont il a été question dans la pièce de théâtre : ils se sont réunis pour comprendre et vaincre l’enfermement. Cela suppose de dépasser les frontières qui sont en nous. Aujourd’hui, 150 « cercles de silence » fonctionnent en France et se maintiennent dans le même état d’esprit.

 

Une participante ajoute que l’enfermement dans ses convictions amène à ne plus voir la différence avec l’autre. Cela établit une barrière qui empêche d’aller vers l’autre.

 

Alain MOLLOT, le metteur en scène nous informe sur l’émission 3D à la radio « France-Inter ». Stéphane PAOLI, avec des professeurs, y parle de l’université américaine où l’on élimine l’histoire et toutes les sciences humaines. On n’enseignerait même plus le français considéré comme une langue morte. Le problème est le libéralisme exacerbé aujourd’hui : il faut pouvoir se défendre face à cette violence qui déferle sur nous.

 

Thierry MARTIN, le philosophe continue sur cette difficulté considérable qui fait regarder la langue française comme une langue morte. Il y a une uniformisation dans la recherche scientifique où une seule langue existe : l’anglais. Il existe une philosophie des sciences à la française ! Inversement cette uniformisation a tout de même du bon car elle rend possible la communication : chaque universitaire peut communiquer avec les autres. La difficulté est de réussir à constituer un universalisme sans qu’il gomme les individualités culturelles.

 

Un participant témoigne que, ancien employé de PSA pendant 40 ans, il a vu se côtoyer 23 nations sur les chaînes de montage sans que cela pose problème et n’amène de heurts. On avait une vraie communauté au travail. Cette communauté, sitôt rentrée dans ses grands ensembles,  s’est trouvée face à des problèmes importants. Et maintenant, il existe la discrimination au niveau de l’emploi.

 

France GUERIN-PACE indique que la diversité est une richesse. Les émigrés ne parlent plus maintenant d’intégration car, théoriquement, tout le monde est intégré. On parle alors de discrimination qu’on mélange avec l’immigration. Faut-il faire une politique pour les individus ou une politique pour favoriser les groupes ? (voir la discrimination positive, qui, en fait est une politique en faveur de groupes maltraités). Comment faire  pour que les territoires soient plus égaux ? La politique territoriale est nécessaire pour l’action envers les personnes.

 

Elie HAYOUN, le Rabin : indique qu’il ya deux problématiques : la façon dont le français accueille l’étranger mais aussi comment l’étranger se comporte en France. La règle pour les ressortissants juifs est : « la règle du pays dans lequel vous irez est la règle la plus importante ». Elie nous indique que les Juifs prient pour la république dans laquelle ils sont. Voici cette prière :

 

Prière pour la République Française.

 

Dieu éternel, Maître de l’univers, Toi qui as créé les cieux et la terre et dont la providence s’étend à toutes les créatures, bénis et protège la République Française et le peuple Français. Amen !

 

Que la France vive heureuse et prospère, qu’elle soit forte et grande par l’union et la concorde. Amen !

 

Que le rayon de Ta lumière éclaire ceux qui président aux destinées de l’Etat afin qu’ils fassent régner dans notre pays, la paix et la justice. Amen !

 

Que la France, berceau des démocraties modernes, Mère des droits de l’homme, défende en tout lieu le droit et la liberté. Amen !

 

Que la fraternité règne entre ses citoyens de toute confession et que la France reste fidèle à sa tradition de tolérance et d’ouverture. Amen !

 

Dieu Eternel, entoure de Ta protection ceux qui président aux destinées de l’Etat d’Israël et fais régner une paix durable en terre sainte. Amen !

 

 

CONCLUSIONS

 

 

Alain MOLLOT conclut : les gens de théâtre ne résolvent pas les problèmes mais se posent des questions sur la Nation et recherchent le spectacle sur la nation à faire.

 

Claudia HEIDEMANN ajoute : mon rêve se réalise : un jour nous vivrons tous notre diversité dans l’unité.

 

Elie HAYOUN  conclut : enlevons les préjugés par la connaissance de l’autre. C’est en se connaissant que l’on vaincra les préjugés.

 

Claude SCHOCKERT  conclut : on est sur un chantier énorme, ayant une grande richesse, celle des cultures.

 

Joël DAUTHEVILLE se souvient d’un groupe interreligieux sur l’Aire Urbaine qui a décidé de prendre position sur la question des Roms.

 

Marc DAHAN  conclut : nous sommes tous des citoyens, tous différents, notre façon de penser nous est propre. Pour vivre ensemble, il faut apprendre à se connaître (l’école réalise ce mélange des cultures). La liberté de conscience, on y tient ! On ne peut enlever nos racines qui nous suivent tout le temps !

 

Thierry MARTIN continue : les frontières (visibles et invisibles) sont faites pour être franchies. Mais c’est difficile.

France GUERIN-PACE ajoute : les frontières humaines sont moins clairement dessinées. Je souhaite que la diversité devienne une évidence pour tous. L’école est, en effet, l’un des moyens de connaître cette diversité. Plus on connaît, moins on a peur de l’autre.

France GUERIN-PACE a écrit deux livres importants sur le sujet de ce soir : « en quête d’appartenance » et « c’est Dieu qui nous habite ! ».

 

 

 

 Rédacteur : Jean-Pierre BULLIARD

Président de l’URIS de Franche-Comté

Président des Ingénieurs INSA de Franche-Comté

Pour le compte du Pavillon des Sciences