Bar des sciences :
" L'Art de lire et de se construire..."
avec Michèle PETIT
Anthropologue au laboratoire LADYSS – CNRS – Université Paris I –
JEUDI 10 SEPTEMBRE 2009 à 20 h
au bar de l'Hôtel Bristol / rue Velotte / Montbéliard
Avec Dominique BONDU directeur Régional du Centre du Livre. CRLFC.
Avec Mélanie, librairie « Les sandales d’Empédocle ». Audincourt.
Organisé par le Pavillon des Sciences
La lecture permet de se
glisser dans l'expérience d'un autre comme de s'approcher de l'autre en soi...
Lire offre la possibilité d'habiter le
monde poétiquement et de ne pas
seulement être adapté à un
univers productiviste...
Plus on est capable de nommer ce que l'on
vit, plus on est à même de la vivre et apte à le changer.
Michèle Petit est anthropologue au LADYSS (CNRS/Université Paris I). Après une étude sur la lecture en milieu rural, elle a coordonné une recherche sur le rôle des bibliothèques dans la lutte contre les processus d'exclusion et de relégation. Dans le prolongement de ces travaux, elle a approfondi l'analyse de la contribution de la lecture à la construction ou à la reconstruction de soi, particulièrement dans des temps de crise.
Michèle PETIT a publié
plusieurs ouvrages, dont :
Eloge de la lecture : la construction de
soi, Belin 2002
Une enfance au pays des livres,
Didier Jeunesse 2007
L'Art de lire ou
comment résister à l'adversité, Belin 2008
" L’art de lire : ou comment résister à l’adversité. "
Paris,
Belin, 2008, 265 p., 22 cm
Coll. Nouveaux mondes, ISSN 1760-2629
ISBN 978-2-7011-4659-1 : 19 €
Par Anne-Marie Bertrand :
Les bibliothécaires connaissent les travaux de Michèle Petit, en particulier De la bibliothèque au droit de cité (BPI, 1997), et son intérêt attentif pour les effets de la lecture sur la construction ou la reconstruction de soi (Éloge de la lecture: la construction de soi, Belin, 2002). Ce nouvel ouvrage lui donne l’occasion d’un bilan des études qu’elle a menées ou rencontrées sur ce sujet, en particulier en Amérique du Sud où elle travaille régulièrement depuis dix ans.
«Comment résister à l’adversité» grâce à la rencontre avec des livres et avec des passeurs de livres? Dans De la bibliothèque au droit de cité, cette adversité consistait en l’assignation sociale, la réclusion subies par les jeunes des quartiers populaires. Ici, le contexte est plus tragique, puisque, si l’on évoque la violence sociale, on parle aussi des guerres, de l’exode ou des catastrophes naturelles. Les jeunes concernés (il s’agit principalement d’enfants, d’adolescents ou de jeunes adultes) sont ainsi des jeunes abandonnés à eux-mêmes à la suite de deuils, ou hospitalisés, ou détenus, ou des toxicomanes ou d’anciens guérilleros. Mais l’action et le regard de Michèle Petit et de ceux dont elle retrace l’action «se situent au plus loin de la charité et des bonnes œuvres». Ces intercesseurs, ces passeurs de livres sont dans une «problématique militante », dans un «projet politique». Il s’agit, par la grâce de l’art du récit, de permettre à ces jeunes «d’organiser leur histoire et de la transformer», de leur ouvrir ou rouvrir le champ du langage («Lire fait parler»), de leur offrir la possibilité de se reconstruire par le biais de la narration et de la symbolisation.
Bibliothèques ambulantes, clubs de lecture, ateliers: les activités proposées sont collectives. Et auto-reproductrices: les jeunes touchés par les passeurs de livres deviennent eux-mêmes des passeurs pour les enfants plus jeunes. La reconstruction individuelle se joue au sein de la communauté. Le symbole de cet ancrage pourrait être la chaîne humaine que les habitants de Guadalajara ont formée pour déménager leur bibliothèque. Mais, en même temps, la lecture est rupture et ouverture («Les livres ouvrent le temps et l’espace»). Cette ambivalence est, en particulier, celle des jeunes exilés ou immigrés qui vivent entre deux cultures.
De quelles lectures parle Michèle Petit? Bien sûr des contes, des récits mythologiques, de la poésie, mais aussi des albums pour enfants, des romans policiers, des bandes dessinées, des livres d’art, de Balzac ou Dostoïevski: beaucoup ont un «pouvoir réparateur», mais en particulier les «œuvres furieuses et grandes».
La lecture permet de parler, d’apprendre, de comprendre, de symboliser. Et d’être attentif à la vie. C’est ce que nous dit la belle citation de Richard Ford qui conclut cet ouvrage: «En me faisant la lecture, [mon père] cherchait peut-être à me dire: Nous ne savons pas tout. La vie a plus de sens qu’il n’y paraît. Il faut être attentif.»